La mouvance OAS sur le domaine public
Je reprends l’analyse que j’ai faite et publiée dans la seconde édition de de mon livre "Mon Combat contre la Torture".
Une exposition à ce sujet est aussi disponible et peu être consultée sur ce site.
Ce qui est très préoccupant, c’est la réapparition au grand jour de la mouvance OAS. Sur Internet, une multitude de sites ont été lancés et popularisent sans vergogne les idées diffusées par cette organisation pendant la Guerre d’Algérie. L’un des principaux de ces sites était sans doute celui de l’ADIMAD (L’ADIMAD-OAS, c’est : l’Amicale pour la Défense des Intérêts Moraux et Matériels des Anciens Détenus et exilés politiques de l’Algérie Française), même si depuis le milieu de 2008, il est en cours de réfection, et manque maintenant de mises à jours. Il est supplanté aujourd’hui par le site "Notre-Journal.info". L’ADIMAD, est présentée par son président Jean François Collin comme une "vitrine du juste combat de l’Algérie française. L’ADIMAD. Au 1er Octobre 2007, c’est 691 membres actifs , 204 membres associés, 1067 membres bienfaiteurs et 3 membres d’Honneur… et 84 Associations qui sont également Membres bienfaiteurs de l’ADIMAD . Soit au total plus de 1965 adhérents". Il y a un peu moins d’un an, elle était présentée sur ce site, comme composée de 928 membres de l’Organisation (c’est à dire l’OAS) dont 756 anciens condamnés, détenus. Désormais, cette association n’ose plus afficher ce dernier chiffre.
La carte d’adhérent de son président que l’on trouve sur ce site est tout un programme.
En effet l’essentiel de leur objectif est de présenter ces quatre personnages comme des "héros" et de les honorer publiquement. Qui sont-ils ?
Roger Degueldre a constitué et dirigé les commandos "Delta", escadrons de la mort auxquels il ordonnait les attentats à commettre. Il dirigea le commando Delta 1 qui assassina six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs, parmi lesquels l’écrivain Mouloud Féraoun, le 15 mars 1962. Il était lieutenant, il a déserté, il a été condamné à mort et fusillé.
Jean-Marie Bastien-Thiry, colonel déserteur, a organisé en particulier deux attentats contre le Président de la République et son épouse, le Général De Gaulle. Condamné à mort il sera fusillé
Albert Dovecar (sergent) et Claude Piegts, deux légionnaires déserteurs, membres de cet odieux réseau Delta 1 ont participé à l’assassinat du Commissaire central d’Alger Roger Gavoury le 31 mai 1961. Ils ont été condamnés à mort et fusillés.
Son Président actuel, Jean-François Collin est présenté, dans le livre très documenté "Histoire secrète de l’OAS" de Georges Fleury (qui reconnait "Moi aussi, j’ai été ’Algérie Française’) " page 566 : Ce jeune sous lieutenant du groupement des commandos parachutistes a participé sous les ordres du Capitaine Murat à la prise du Palais d’été d’Alger au soir du 22 avril 1961. Sous le nom de code "Valentin" il a repéré que Yves Le Tac était hospitalisé au Val de Grâce à Paris, Il participera à une première tentative d’assassinat, reportée au tout dernier moment, et ce n’est que par miracle que ce gaulliste échappera à l’attentat du 18 février 1962 perpétré par par le commando dirigé par le lieutenant Godot, et préparé avec l’aide de JF Collin. JF Collin a été emprisonné à l’Ile de Ré pour ses activités dans l’OAS. Il a fait partie du "Maquis de l’Ouarsenis", cette organisation militaire de l’OAS qui rêvait de pouvoir ré-éditer le putsch manqué d’avril 1961. Il a été également été élu conseiller municipal du Front National à Hyères (83).
Lors de l’ouverture de l’assemblée générale du 25 février 2007 de l’Adimad le Président s’exprimait ainsi : Tout d’abord je vous remercie d’être venus si nombreux, parfois de fort loin, pour cette réunion de travail et d’amitié. Pour commencer nous allons rendre hommage à nos 116 Camarades morts les armes à la main en luttant contre l’infamie stalino-gaulliste.
Puis il annonce les "Bonnes nouvelles" :
Le Maire de Wissous, Richard Trinquier, fils du colonel, avait l’intention de baptiser une rue de sa commune du nom de Général Salan. Heureusement, il n’a pas été ré-élu.
La commune de Saint-Seurin sur l’Isle, dans la Gironde, (entre Bordeaux et Périgueux) a honoré la mémoire du général Salan en donnant son nom à une place de la ville et en érigeant une stèle en souvenir de celui-ci. Le texte inscrit sur la plaque de la stèle est le suivant : "Raoul SALAN Général d’Armée Dernier soldat de l’Empire au service exclusif de la France 1899-1984" Merci à notre ami, le commandant Marcel Berthomé, maire de Saint Seurin sur l’Isle.
Michel Alibert vient de recevoir la Légion d’Honneur, remise par la Princesse Napoléon.
Alexis Arette nommé Chevalier de la Légion d’Honneur.
Jean-Pax Méfret qui a réuni près de 1.000 personnes pour un concert à Aix dont une grande majorité de moins de 25 ans.
Mariage de Jérôme Bourbon, journaliste à Rivarol et excellent ami de l’ADIMAD.
Grâce à Henri Ducros et à Gilbert Trujillo il est vraisemblable que nous allons pouvoir ériger un monument à la gloire de nos Camarades en Espagne.
Je n’ose penser à la tête de la Ligue des Droits de l’Homme ! Nous avons inauguré le 22 janvier, il y a à peine un mois une magnifique plaque à la mémoire de nos Martyrs dans le cimetière d’Hyères sur le Monument des Réfugiés et en présence des autorités civiles et militaires.
Puis le "Carnet rose" : Pierre Vidal-Naquet est parti rejoindre les égorgeurs du FLN qu’il a tant aimés !
Yves Déchezelles, avocat des terroristes FLN est passé, ce qui est normal somme toute, l’arme à gauche !
Mostefa Lacheraf, un des chefs historiques du FLN est parti rôtir en enfer.
Jean-Jacques Servan-Schreiber est parti comme il a vécu, en ayant tout raté sauf une chose : le tir dans le dos de l’armée de son pays !
Puis cette phrase : "Il n’y aura donc rien pour ces morts, nos Morts, dus au degaulleiter".
Oser assimiler De Gaulle à Hitler, démontre leur échelle des valeurs.
Ces quelques extraits donnent la nausée, mais ils illustrent cependant la nature profonde de ceux qui rêvent toujours d’une "Algérie Française", coloniale.
Depuis 2002, cette association a pu trouvé un appui public conséquent. C’est cette année là que la première plaque "ADIMAD" a été posée sur un espace public : à Théoule (06) sur le muret entourant la statue de Notre Dame d’Afrique, copie de celle d’Alger (voir la page correspondante). Et c’est tout un symbole, puisque cette cérémonie inaugurative a été placée sous la présidence du colonel LACHEROY. En effet, ce théoricien de la "guerre révolutionnaire" (dont la torture est le moyen d’obtention du renseignement) était allé comme instructeur enseigner ces pratiques sur le continent américain avec les Aussaresses et consorts, et ce, avec le feu vert de Pierre Mesmer. C’est sous cette technique que les dictatures en Argentine, au Chili,… ont fait disparaître des dizaines de milliers d’opposants. Le premier novembre 2003, à Théoule, "Renaud Muselier, tête de liste UMP à l’élection régionale PACA, escorté d’une cohorte d’élus de même couleur politique est débarqué à la cérémonie de souvenir" (c’est une citation ADIMAD) afin de rendre "hommage" aux quatre "héros" à la cérémonie commémorative qui leur était organisée. Sur le muret, en effet, un "honneur" est fait à Degueldre, Dovecar, Piegts et Bastien-Thiry
Dans la foulée, ce sont à Béziers, à Pérols, à Antibes, à Perpignan, à Marignane…, sur des stèles et des plaques, que sont gravés les noms de ce quatre "héros", "martyrs pour que vive l’Algérie Française" (ces mots sont employés). Mais de nombreux autres endroits : Saint Laurent du Var, Giens, l’église intégriste de Saint Nicolas du Chardonnet à Paris, à Hyères, Valras, Nice, Toulon,… des plaques, des noms de rues, de squares, des monuments ont surgi ces toutes dernières années à leur initiative pour évoquer la nostalgie d’une certaine "Algérie Française". Généralement les inaugurations ont été faites avec la présence d’élus parés de leur écharpe tricolore.
Sur la tombe de Claude Piegts on peut lire : " A Claude Piegts, Mort en Héros, à 28 ans, au Trou d’Enfer pour l’Algérie Française le 7 juin 1962 – On pense, A toi, Sans cesse[1] - Adimad". Le Trou d’Enfer est le lieu, dans l’enceinte militaire du Fort de Marly le Roi (78) où il fut fusillé à la suite de sa condamnation à mort.
Depuis la fin de la Guerre d’Algérie, des manifestations restreintes, semi-privées (annoncées seulement entre les anciens proches), étaient organisées pour commémorer leur date d’exécution. Ces dernières années, une publicité, principalement par Internet, vient de leur être donnée. Une toute autre ampleur a été franchie avec la volonté d’inaugurer à Marignane[2] (13) une stèle, la réplique de celle de Perpignan (inaugurée en 2003 en présence PUJOL, adjoint au maire UMP Jean-Paul Alduy). Grâce à une mobilisation de l’opinion, et une intervention de nombreuses associations, cette stèle a quand même été installée dans le cimetière de la Ville (comme à Perpignan), mais elle n’a pas pu être inaugurée, le préfet de région ayant été contraint d’interdire ce geste symbolique. Sur ces deux stèles qui représentent un supplicié attaché à un poteau d’exécution on peut lire : "Aux Fusillés, aux combattants tombés pour que vive l’Algérie Française" avec les quatre noms de ces "héros".
Le premier juillet 2006 au cimetière de Versailles un hommage sur la Tombe de Roger Degueldre a été rendu public. Malgré les interventions, de l’ARAC, du MRAP, de l’ANPROMEVO[3] Le préfet n’a pas estimé nécessaire d’interdire une telle manifestation où des drapeaux tricolores se sont inclinés sur cette tombe, où a retenti la Marseillaise et le chant fétiche de l’OAS "Les Africains", sur laquelle a été déposé une composition florale avec l’inscription "On pense, A toi, Sans cesse – Adimad" et où les trois lettre OAS étaient en bleu blanc rouge.
Le 5 juillet 2006, une association prête-nom avait permis à l’Adimad d’obtenir l’autorisation de raviver la flamme du soldat inconnu à l’Arc de Triomphe de Paris. On allait donc permettre à ceux qui avaient tenté, et qui continuent de dire qu’ils en sont fiers, de renverser la République, d’assassiner à deux reprises le Président de la République d’accomplir un tel geste symbolique. Ce n’est que la veille au soir après les multiples interventions que cette manifestation de la honte a été interdite par le préfet de police de Paris.
Depuis 2002 on voit une étrange connivence se mettre en place, s’afficher. Ce ne sont pas seulement les maires UMP Jean-Paul Alduy de Perpignan ou Simonpierrei (qui vient du MNR après avoir transité au Front National) mais aussi les membres du gouvernement français qui cautionnent cette résurgence. Par exemple, sur le site de l’ADIMAD, sont diffusés les bristols officiels : carte de vœux du Ministre des Anciens Combattants M. Mékachéra, invitations de la Ministre de la défense Me Alliot-Marie et également du Premier Ministre M. De Villepin pour les cérémonies officielles commémorant la fin de la Guerre d’Algérie.
Le 9 novembre 2006 le Premier Ministre, accompagné de la Ministre de la Défense et de celui des Anciens Combattants posait la première pierre d’une stèle qui rendra hommage à l’ancien Président de la République à Colombey les deux Eglises. Deux jours plus tard, en ce jour symbolique du 11 novembre, une cérémonie était prévue pour rendre "hommage" à Bastien-Thiry, sur sa tombe, à Bourg la Reine (92), celui qui participa à deux attentats contre ce même président de la République. Le Préfet n’a pas estimé que cette manifestation puisse être choquante, pas plus que le Ministre des Anciens Combattants sollicités pour interdire cette manifestation honteuse.
[1] Sur trois lignes, les 3 premières lettres étant OAS
[2] Il faut se reporter au livre "La bataille de Marignane" suivie de Mort pour la France écrit par Jean Philippe Ould Aoudia et par Jean François Gavoury, aux éditions Tirésias.
[3] Association Nationale pour la Protection de la Mémoire des Victimes de l’OAS dont le président est Jean-François Gavoury (fils du commissaire central d’Alger) et le secrétaire général Jean-Philippe Ould Aoudia (fils d’un des 6 inspecteurs des centres sociaux éducatifs) dont les pères ont été assassinés par les tueurs de l’OAS.
Une première collusion scandaleuse est l’inauguration le 5 décembre 2006 à coté du mémorial du Quai Branly à Paris d’une plaque sur laquelle est gravée : "La nation associe les personnes disparues et les populations civiles victimes des massacres ou exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Evian…" En effet, ce qui n’y est pas écrit, c’est que : les principales violations des accords d’Evian sont le fait de l’OAS. Leurs nostalgiques, sur le site de l’ADIMAD expliquent qu’ils ont été trahis parce que les deux dates du 26 mars 1962 à Alger et du 5 juillet 1962 à Oran n’étaient pas gravées dans ce marbre comme il le leur avait été promis. Or, si des massacres ont bien eu lieu à ces deux occasions, c’est bien dans la nature et la façon dont elles se sont déroulées qu’il faut en chercher les causes : l’OAS voulait à tout prix faire capoter ces accords de paix signés à Evian, tout neufs, et elle porte la très lourde responsabilité des conséquences qui en ont découlé. Que le Gouvernement de la France cautionne une telle manipulation de la réalité historique est gravissime. Pour l’anecdote, à l’occasion de cette cérémonie, le Premier Ministre a rendu officiel le "Chant des Africains", l’hymne de l’OAS.
Ce Scandale a connu un nouveau développement : la décision annoncée par Hbert Falco Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, le 5 Décembre 2009 avec la mise en place et l’inauguration officielle le 26 Mars 2010 par le Directeur de Cabinet de ce ministère du défilement des noms de 468 victimes de la fusillade de la Rue d’Isly le 26 Mars 1962 à Alger. Ces personnes sont "mortes pour l’OAS contre la France". Leurs noms défilent à côté de ceux morts pour la France. Voir le développement dans la rubrique du 26 mars 1962.
Une seconde manifestation grave de ces collusions est l’inauguration du "Mur des Disparus" de Perpignan, le 25 novembre 2007 par le Secrétaire d’Etat au Anciens Combattants. (sujet développé dans le chapitre "Perpignan et l’OAS)
Maintenant, je suis très souvent alerté dès qu’un nouvel évènement se produit dans ce domaine, mais n’hésitez pas à me solliciter, au cas où je ne l’aurais pas su. Je ferai mon possible pour rechercher les compléments d’informations avec les réseaux à l’écoute de ces questions, ceux qui ne peuvent accepter un tel affront aux valeurs républicaines et je suis disposé à aider à coordonner les actions de riposte nécessaires.
On ne peut s’opposer, évidemment, à ce que des personnes proches se recueillent sur la tombe de l’un des siens, à ce qu’un office religieux soit prononcé à la mémoire d’un défunt, tant qu’il reste dans le cadre de l’intimité. Mais il est intolérable qu’un hommage public puisse être rendu avec la symbolique républicaine drapeaux tricolores, Marseillaise… à l’attention de ceux qui ont voulu renverser les institutions de la France et qui ont été condamnés pour cela. Il est intolérable également que des morts soient instrumentalisés pour des causes politiques.
Comment les plus hautes autorités de l’Etat, relayées par les préfets, peuvent-elles exiger que des jeunes respectent les valeurs de la République, quand elles-mêmes tolèrent qu’elles soient bafouées par de telles démonstrations ?