Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
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17 Octobre 1961

Un crime d’état à Paris


Le 17 octobre 1961, lors d’une manifestation non-violente, pour la paix en Algérie et surtout contre le couvre-feu qui leur était imposé, plusieurs centaines d’Algériens étaient assassinés à Paris par des fonctionnaires de police aux ordres de Maurice Papon. Bientôt cinquante ans, que ce crime d’état, un crime contre l’humanité, est occulté. Il n’a jamais été reconnu ni condamné officiellement. Ceux qui l’ont organisé n’ont jamais eu à rendre compte ni de leurs décisions ni de leurs actes.

Nié par les plus hautes autorités de l’époque, le massacre n’a commencé à faire l’objet de recherche qu’à partir du milieu des années 1970 et n’est vraiment devenu largement connu que lorsque Maurice Papon perdit un procès en diffamation contre l’Historien Jean-Luc Ennaudi en 1999. L’ancien préfet de police ne pouvait admettre la contestation du bilan officiel paru au lendemain de la manifestation, repris par une partie des journaux : "3 morts, 55 blessés, les policiers se sont défendus face à des manifestants agressifs et armés". Parmi les plus virulents contre les algériens, France-Soir, France-Presse, L’Aurore et Le Figaro se félicitent de l’action de la police. Maurice Papon a été nommé préfet de Police en 1958, sous la 4ème République, et il y a été maintenu sous la 5ème. C’est à la suite de violentes manifestations de policiers parisiens qu’il est nommé et sa recommandation est "l’efficacité" dont il a fait preuve lors de son mandat de préfet à Constantine. De 1956 à 1958, en tant que préfet et IGAME pour les départements de l’Est algérien, il a instauré un système de répression dans lequel la torture est systématique, les exécutions sommaires courantes. En 1958, il répond à une campagne d’attentats menés en métropole par le F.L.N. en organisant des rafles massives de "Français musulmans d’Algérie". Les violences à l’encontre de la population nord-africaine de Paris s’institutionnalisent : Papon crée la Force de police auxiliaire, constituée de harkis, qui pratique la torture ; il fait ouvrir le Centre d’Identification de Vincennes, où peuvent être internés, sur simple décision administrative, sans jugement, les Nord-Africains "suspects". M. Papon va jusqu’à instaurer, le 1er septembre 1958, un couvre-feu pour les Nord-africains. Boycotté par le F.L.N., il tombe peu à peu en désuétude. Au cours des opérations de police, des internements, des rafles et des "contrôles" par les harkis, des hommes disparaissent. De nombreuses plaintes sont déposées, pour torture, pour meurtre ; malgré l’accumulation de témoignages accablants, malgré les constatations de sévices par des médecins, malgré le nombre de disparitions, aucune plainte n’aboutira. Toute la population nord-africaine de la région parisienne souffre de ces rafles systématiques et de la violence des harkis qui patrouillent dans les quartiers qu’elle habite, par exemple dans le 18ème ou le 13ème arrondissement.

A la pression des policiers, qui parlent de "se faire justice soi-même", M. Papon répond par un discours sans ambiguïté : le 2 octobre, aux obsèques d’un policier, il déclare : "Pour un coup rendu, nous en porterons dix", puis, plus tard, il assure les policiers que, s’ils tirent les premiers, ils seront "couverts". Le 5 octobre, il instaure un couvre-feu pour les "Français musulmans d’Algérie". Malgré les dénégations du ministre de l’Intérieur, ce couvre-feu raciste institutionnalise la confusion entre "Algérien" et criminel.
Au matin du mardi 17 octobre, la police sait qu’une manifestation de masse se prépare (La fédération parisienne du FLN avait insité pour qu’aucune arme, même pas un canif ne devait être trouvée dans les poches des manifestants) ; des cars de police quadrillent la ville, des policiers cernent les bouches de métro aux portes de Paris, prêts à arrêter les manifestants. Aux portes de Paris, à la sortie des métros Étoile, Opéra, dans les couloirs de la station Concorde, sur les Grands Boulevards, les manifestants seront systématiquement matraqués, à coups de crosse, de gourdin, de bâton, souvent jusqu’à ce qu’ils s’effondrent. Les policiers frappent au visage, au ventre, des manifestants qui ne font montre à aucun moment d’aucune violence ni d’aucune résistance. Sur le boulevard Bonne-Nouvelle, au pont de Neuilly, au Pont-Neuf d’Argenteuil et en d’autres lieux, les policiers tirent sur les manifestants. Sur les ponts aux portes de Paris et sur le pont Saint-Michel, des hommes sont précipités à la Seine. En plein Paris et pendant plusieurs heures se déroule une véritable chasse au faciès, à laquelle la population parisienne assiste et collabore même parfois. Le préfet de police M. Papon suit toutes les opérations et se rend lui-même à l’Etoile, pour constater leur "bon déroulement". Il a aussi connaissance de toutes les liaisons radio de la police. Il sait donc que de faux messages d’information circulent selon lesquels des policiers auraient été tués. Il ne les démentira pas.

Plus de dix mille Algériens sont interpellés. Ils sont internés au palais des Sports, au Parc des Expositions, au stade de Coubertin, au Centre d’Identification de Vincennes, pendant près de quatre jours subisant tortures et humiliations. Des milliers sont refoulés en Algérie.

Quel bilan ?


Le Bilan exact ne sera sans doute jamais possible, des centaines de cadavres seront repêchés tout au long de la Seine pendant plusieurs jours, et un certain nombre ne seront jamais identifiés, comme de nombreux disparus.

Ce sont plusieurs centaines de morts autour de 300 vraisemblablement, certaine estimations ont même avancé plus de 400. Il y a eu des milliers de blessés, plus de 10.000 arrestations, des milliers de reconduites en Algérie.

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