Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
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La Nuit des Disparus (Paris) 24 Sept. 2005

Intervention de Henri POUILLOT Secrétaire national du MRAP
A la Nuit contre l’Oubli - 24 septembre 2005 à Paris.

Article mis en ligne le 7 juin 2010
dernière modification le 25 juin 2010
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Intervention de Henri POUILLOT Secrétaire national du MRAP

A la Nuit contre l’Oubli - 24 septembre 2005 à Paris.

Au nom de la direction nationale du MRAP, je voudrais m’adresser aux amis Algériens, et leur faire part d’un message partagé, j’en suis sûr par une majorité des Français.

A quelques mois de la perspective de la signature d’un traité d’amitié franco-algérien cette rencontre ici, est chargée de beaucoup d’émotion.

Personnellement je fus témoin de cette guerre d’Algérie, j’y ai passé un peu plus de 9 mois, à la Villa Susini, à Alger, ce centre où la torture y fut pratiquée en permanence pendant toute la guerre, sans interruption.
J’en garde un sérieux traumatisme, mais je dois vivre avec, comme un handicapé, doit s’habituer de vivre avec son infirmité.

Si je voulais rappeler en préalable cette anecdote, c’est bien parce que la colonisation de l’Algérie puis la guerre de libération ont marqué, façonné l’histoire du peuple algérien depuis près de deux siècles. L’État français a une responsabilité déterminante qu’il n’a toujours pas reconnue, assumée, condamnée, même pire, la loi du 23 février 2005, donne une reconnaissance positive au colonialisme, notamment au Maghreb.

Les massacres de Sétif en mai 1945, puis les tortures, les viols, les corvées de bois, les crevettes Bigeard, les villages rasés par les bombes au napalm ont pris une ampleur colossale pendant la guerre de 1954 à 1962. Toutes ces exactions sont des crimes d’état, des crimes contre l’humanité et il est plus qu’urgent maintenant que les plus hautes autorités de l’État Français les reconnaissent et les condamnent. On ne peut se satisfaire, même si c’est un premier pas positif, mais notoirement insuffisant, que l’ambassadeur de France en Algérie (propos confirmés par le ministre en mai dernier) ait dit que les massacres de Sétif, Guelma, Kheratta sont des "tragédies inexcusables". Non, ces massacres sont condamnables et doivent être condamnés. Lorsque j’ai prononcé cette phrase le 8 Mai dernier dans l’amphithéâtre de l’Université de Sétif, les applaudissements qui suivirent confirmaient que le témoin de la guerre d’Algérie, le responsable du MRAP que j’étais, se retrouvait en phase avec le peuple Algérien.

Ce rappel me semble la base de la réflexion nécessaire pour comprendre que dans un pays où la culture de la violence a marqué plusieurs générations, après l’indépendance de ce nouveau pays, des fautes peuvent être commises. L’Armée Française a "formé" des cadres algériens à toutes ces pratiques, elle a même souvent eu tendance à utiliser certains
supplétifs pour ces tâches les plus ignobles. Mon expérience m’a enseigné que, sous l’effet de groupe, il est possible d’exalter les pires instincts, et que les justifications utilisent n’importe quelle argumentation. La haine et la violence enchaînent, accentuent les réciprocités.

Le racisme, la justification religieuse, politique ou philosophique, la volonté de domination d’un clan sur l’autre, en fait, le refus de la différence de l’autre ont souvent été les concepts qui ont déclenché les processus barbares : tortures, viols et exécutions sommaires (souvent camouflées en disparitions). S’il n’y a pas la volonté politique suffisante du peuple pour interdire ces pratiques, les dérives sont catastrophiques, un terrorisme aveugle s’en empare.

Les Français n’ont surtout pas de leçon à donner à nos frères algériens. Mais l’on constate que s’il n’y a pas une condamnation, politique, et même juridique des responsables de ces forfaitures l’histoire a malheureusement tendance à bégayer.

Nous avons l’expérience en France, qu’il ne suffit pas de mettre une chape de plomb sur les consciences, de vouloir verrouiller les mémoires, même 50 ans plus tard avec les témoignages vécus, le débat resurgit. Jamais un oubli officiel ne parviendra à éteindre les souffrances d’un être blessé au plus profond de lui-même.

La France, comme l’Algérie ont une nécessité de reconnaître, de condamner, sans faux semblants, tous les crimes contre l’humanité commis au nom de leur pays.

Nous ne devons pas oublier tous ces algériens, ces intellectuels, ces artistes qui ont payé de leur vie pour s’être exprimés contre ces barbaries. Nous devons avoir une pensée toute particulière pour les journalistes dont tant ont été assassinés pour avoir fait honnêtement leur métier, et ceux qui aujourd’hui sont en prison ou menacés d’y aller simplement parce qu’ils font leur métier de traquer l’information et de la divulguer. La liberté de la presse comme la liberté d’expression sont des composantes fondamentales de la liberté de l’Homme.

Jamais un pays ne forcera le respect s’il couvre, un moment donné, des atteintes aux libertés fondamentales aux droits les plus élémentaires de l’homme, le respect de sa dignité.

Pour ces raisons le MRAP soutient sans ambiguïté le travail du Collectif des familles de disparus en Algérie et refuse de penser que le référendum du 29 septembre cicatrisera les plaies de cette "sale guerre". Nous aspirons à un vrai traité d’amitié entre nos deux peuples Algériens et Français, mais sur des bases claires, sur des bases qui ne font pas l’impasse des droits de l’homme, des libertés.

Non à l’oubli et à l’impunité. Oui à la Vérité et à la justice.

P.S. :

Les perspectives d’un traité d’amitié entre les peuples Français et Algériens se sont éloignées

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