Un débat : pour ou contre l’intervention militaire française au Mali ? Une évidence ? Ne pas intervenir aurait-il été une lâcheté ?
La question du Mali est extrêmement compliquée,
L’expression "S’abstenir eut été une lâcheté inadmissible", parfois employée, semble la conclusion de la justification de l’intervention française en partant d’une situation ponctuelle de début janvier 2013, sans tenir compte du passé du Mali, des 50 ans de pseudo indépendance, de la responsabilité de la Françafrique.
Le Mali est devenu indépendant, "juridiquement", en 1960. MAIS, la France a contrôlé depuis cette date, sans aucune interruption, la vie économique, militaire, sociale et politique. Tout le système bancaire est constitué de filiales de banques françaises. C’est le Franc CFA qui en est la monnaie, contrôlée par la Banque de France. D’ailleurs, en début de cette indépendance, la monnaie malienne n’était pas le franc CFA, c’est la Françafrique qui le lui a imposé. Cette monnaie a été dévaluée d’environ 50% dans les années1994/95, générant une catastrophe économique dans tous ces pays d’Afrique sur décision française. Les dirigeants ont été mis en place par les hommes de Focard sous De Gaulle, et maintenus par la politique de Françafrique. Certes le régime malien a été sans doute l’un des moins corrompus et des moins dictatoriaux de cette région, mais il est toujours dépendant de la France.
Les frontières de ce pays ne correspondent à aucune logique historique de la construction d’une nation, c’est le fruit d’un découpage au cordeau entre les puissances colonisatrices qui ont dépecé le continent africain. De nombreux mouvements, y compris depuis l’indépendance de 1960, se sont fait jour dans le nord Mali pour une indépendance, durement réprimée par l’armée malienne soutenue par l’armée française.
Depuis l’arrivée de François Hollande à l’Elysée, malgré une promesse du candidat de remettre en cause la Françafrique, on constate au contraire, un maintien, sinon un renforcement. En 5 mois ce sont 3 dictateurs africains (Ali Bongo, le premier, puis Blaise Compaoré et Idriss Déby …) qui ont été reçus avec tous les honneurs.
Le Mali est l’un des principaux pays producteur d’or (mines à ciel ouvert), des gisements de pétrole importants sont connus depuis pas mal de temps, mais n’ont pas encore été exploités. Une réserve de gaz, colossale, vient d’être découverte récemment. Dans toute cette zone du Sahel (Sénégal, Algérie, Mauritanie, Mali…) il y a énormément d’uranium. Ces éléments, à eux seuls "justifient" une volonté de contrôle de ces ressources déterminantes dans les prochaines années.
Dès la fin mai, moins d’un mois après l’élection de François Hollande, le Ministre des affaires étrangères Laurent Fabius se rendait en Algérie "pour préparer le voyage du Président français à Alger, 4 autres ministres s’y sont rendus dans le même objectif. La presse française a été très, très discrète au sujet de ces voyages. Par contre la presse algérienne a quand même été un peu plus loquace. L’objectif fondamental étant d’obtenir de l’Algérie un accord pour le survol de son pays pour une intervention au Mali et si possible une aide, pour le moins une neutralité bienveillante. Dans la foulée, Laurent Fabius s’est aussi rendu au Maroc pour le même but. Cette première visite de Laurent Fabius fut un échec : l’Algérie avait refusé catégoriquement la moindre coopération avec la France pour une intervention au Mali. Le passé douloureux des années noires reste dans la mémoire de tous les Algériens. Par contre, avec le Maroc, il y a eu un accord qui n’a d’ailleurs été connu que ces derniers jours. Ces démarches démontrent qu’on est très loin d’une "surprise" comme la propagande de ces dernières semaines voulait le laisser entendre, et de la "justification" qui en a été faite dans les médias, à partir de la communication officielle, ministérielle et présidentielle.
Je suis un des derniers touristes (fin novembre 2010) : j’ai effectué un voyage avec une association solidaire dans le Pays Dogon (Nord Mali). Quinze jours après, il n’y a plus eu un seul voyage touristique. J’ai pu constater que, dans cette région, tous les villages sont fermés, sous la "coupe" du chef de village omnipuissant. Un "étranger" ne peut rentrer dans le village sans son accord. Quand on constate la misère sur place : pas d’électricité dans les villages, seules quelques maisons disposent d’un mini panneau solaire qui recharge une batterie pour éclairer le soir, pas d’eau courante, seulement des puits communs, généralement réalisés en coopération avec des ONG. Si un groupe "militaro-religio-mafieux débarque dans un de ces villages et offre quelques dollars ou euros il obtiendra la complicité plus ou moins forcée pour être hébergé et pourra, pourquoi pas, "recruter" un "jeune soldat".
Le "déblocage" de l’Algérie, n’a été "possible" qu’après la visite de Hollande à Alger, moyennant un marchandage : une expression critiquant le colonialisme (pas le condamnant), au dernier moment un hommage à Maurice Audin…, en fait des concessions mineures quant à la responsabilité de la France dans la période coloniale et tout particulièrement la Guerre d’Algérie.
La question de la présence des groupes islamiques dans le Sahel (entre le Mali, l’Algérie, la Mauritanie, le Maroc,…) n’est donc pas nouvelle : plus de 2 ans. On ne peut reporter la responsabilité guerrière de la France sarkoziste sur le nouveau pouvoir en place, mais si des signes forts de changement de politique s’étaient faits jour, dans cette région, il est plus que probable que les évolutions n’auraient pas été les mêmes. A ce moment là, il y avait des négociations entre l’Algérie et les groupes jihadistes. Mais dans le même moment, les démonstrations d’amitié entre François Hollande et les dirigeants d’Arabie Saoudite et du Qatar ont donc fait capoter ces négociations. D’où l’offensive vers Bamako, présentée comme la "surprise" justifiant une réaction immédiate. Il ne faut pas oublier qu’au Mali, ces groupes islamiques : AQMI, ANSAR-DINE, MUJAO, sont plus des concurrents que des alliés. Il est annoncé ce 25 janvier qu’une scission serait intervenue au sein de ANSAR-DINE en vue d’une éventuelle négociation. Il est difficile d’apprécier l’impact de cette évolution.
Depuis les 2 ans de présence de commandos de ces groupes militaro-religio-factieux il faut se rendre à l’évidence que leur implantation a été réalisée avec des enracinements (que j’évoquais : corruptions diverses, apports financiers…). Les informations "officielles" présentant l’avancée des troupes françaises et maliennes sans réelle résistance pour "nettoyer" le terrain a une terrible ressemblance à la propagande de la période de la Guerre d’Algérie. Compte tenu que l’armée malienne est essentiellement composée de Maliens du sud, dont les rapports ont très souvent été très conflictuels avec ceux du nord, il faut s’attendre a la multiplication d’exactions, comme quelques unes viennent d’être dénoncées. Dans les 3 premiers jours de l’intervention française plusieurs dizaines de civils ont été les victimes de ces "effets collatéraux", le nombre va enfler avec la durée. Maintenant il n’y a plus d’informations qui filtrent à ce sujet.
Certes la situation que connaissent les Maliens était telle, il est naturel qu’ils attendent un soutien français pour se "débarrasser" de ces groupes militaro-religio-factieux qui ne sont pas dans leurs réelles traditions. Le Mali n’a pas, compte tenu de la politique Française menée depuis plus de 50 ans la capacité de résistance suffisante. Il est donc naturel, d’autant plus que la propagande officielle martèle cette seule issue, que la France est le seul recours possible. Aussi beaucoup de Maliens sont pris dans un dilemme catastrophe, quelque soit le choix retenu.
Désormais, la France étant intervenue de cette manière, il faut s’attendre à un enlisement de ce conflit, du fait même de la complexité de la situation. Le pire est désormais à attendre parce que ce foyer va très probablement se propager dans toute la région et pas seulement au Mali.
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