Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
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Le 26 Mars 1962 à Alger

"26 Mars 1962 à Alger" ou aussi dénommé "La Fusillade de la Rue d’Isly"

Historique de ce drame

Les victimes de la fusillade de la rue d’Isly le 26 mars 1962 à Alger ne sont pas "mortes pour la France" mais tombées pour soutenir l’action criminelle de l’OAS, CONTRE la France.

Le 18 mars 1962, des accords sont signés à Evian par le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République Algérienne (GPRA). Ces accords qui allaient pouvoir mettre fin à la guerre d’Algérie stipulaient, dans leur Article 1, que le cessez-le-feu serait proclamé le 19 mars 1962 à midi sur le terrain par les Etats-majors de l’Armée française et de l’Armée de Libération Nationale Algérienne. Le même 18 mars, l’OAS commente publiquement, et à sa façon, les accords d’Evian qu’elle présente de façon tronquée.

Le 19 mars, les suppléments hebdomadaires des journaux algérois "La Dépêche quotidienne" et "Le Journal d’Alger" se font largement l’écho de l’OAS et annoncent "l’abandon complet de la minorité européenne livrée aux tueurs du F.L.N"

Le 19 mars, alors que le général Ailleret proclame le cessez-le-feu, une émission pirate de l’OAS diffuse une déclaration du général Raoul Salan (instruction 29 du 23 février) – chef de l’OAS – qui condamne le cessez-le-feu et donne l’ordre de "commencer immédiatement les opérations de harcèlement dans les villes, contre les forces ennemies", c’est-à-dire l’armée, le contingent, les CRS, les gendarmes, les policiers, etc...

Le 20 mars à Alger : Un commando "Delta" de l’OAS assassine, dans la cellule du commissariat de police d’Hussein-Dey où ils sont détenus, 4 algériens arrêtés, tandis que d’autres ultras lâchés en ville "ratonnent" dans les quartiers européens qu’ils veulent interdire complètement aux Algériens.

Un détachement OAS tire au mortier sur l’un des endroits des plus populaire d’Alger, la place du gouvernement au bas de la Casbah. Bilan : 24 morts et 59 blessés, tous algériens.

Nuit du 22 au 23 mars, Alger : Les commandos "Z" de l’OAS s’installent à Bab-el-Oued. Au matin, une patrouille d’appelés du contingent tombe dans leur embuscade : bilan, 3 morts et 3 blessés graves. Les gendarmes mobiles bouclent le quartier. L’OAS tire des balcons, des terrasses, transformant les rues en terrain de guérilla. Malgré l’appui de l’aviation, l’OAS tire à la mitrailleuse sur les gendarmes. Bilan : 15 morts, 70 blessés. Bab-el-Oued est alors bouclée, coupée d’Alger et fouillée durement de fond en comble.

Briser le blocus : Telle est sa dernière chance, estime l’OAS, pour réussir à Alger, et faire oublier aux "pieds noirs" l’échec de la bataille de Bab-el-Oued et l’arrestation de Jouhaud à Oran par le général Katz. L’objectif, briser le blocus de Bab-el-Oued et désarmer l’armée en lui opposant une masse de civils désarmés, et – en réalité – recréer au centre d’Alger une zone insurrectionnelle.

Le Préfet de police d’Alger, Vitalis Cros, interdit la manifestation, fait diffuser toutes les demi-heures un communiqué, tandis que des voitures haut-parleurs militaires sillonnent la ville pendant toute la matinée, répétant inlassablement – tout au long des rues – la "mise en garde officielle" qui avertit que "les forces du maintien de l’ordre les dispenseront (les manifestations), LE CAS ECHEANT, AVEC LA FERMETE NECESSAIRE".

Le 26 mars à Alger : Un cortège de 3000 à 4000 européens, descendus du plateau des Glières, se dirige vers Bab-el-Oued pour "affirmer leur solidarité avec le quartier martyr". Parmi les forces militaires prévues pour maintenir l’ordre, figurent la 6e compagnie, la 5e compagnie et une compagnie mixte du 4e RTA (Régiment de Tirailleurs Algériens). Dès leur arrivée à Alger, quelques jours plutôt, ces 3 compagnies ont été engagées à Bab-el-Oued où elles ont essuyé le feu des commandos OAS les mitraillant du haut des balcons et des terrasses. La 6e Compagnie du 4e RTA est postée rue d’Isly et à la rampe Bugeaud. La rue d’Isly est confiée au Sous-lieutenant Kabyle Ouchène Daoud qui commandera le barrage, secondé d’un sergent-chef et de 23 tirailleurs. Les tirailleurs sont tendus ; quelques instants auparavant, une vingtaine de jeunes gens – brandissant un drapeau OAS – les ont insultés, injuriés. Le Sous-lieutenant Daoud laisse passer un homme et le porte-drapeau qui l’accompagne. Ce dernier, à peine franchi le barrage, appelle la foule : "Tous à Bab-el-Oued !!!"- Trois cents personnes se précipitent, bousculent les tirailleurs qui se trouvent pris à revers. C’est l’hystérie, l’échauffourée éclate, des crachats pleuvent sur les tirailleurs.
14h45, une rafale de FM claque : Deux fusils-mitrailleurs OAS se mettent à tirer en feux croisés à partir des étages supérieurs de l’immeuble du 64 de la rue d’Isly, de celui de la "Warner Bros" au coin de la rue d’Isly et de l’Avenue Pasteur. Un autre FM, placé sur un balcon de la rue Alfred Lelluch prend en enfilade la rue de Chanzy. Quatorze emplacements de tirs de l’OAS seront dénombrés avec précision après la manifestation dont – outre les FM – 4 de PM. Des grenades explosent également au milieu de la foule. Or, aucun tirailleur du 4e RTA n’en est muni. De nouvelles fusillades éclatent au Forum et au carrefour de l’Agha où des tireurs de l’OAS prennent les gendarmes pour cibles. Après la fusillade, l’OAS proclame que ce sont les fellaghas de la Willaya 4 qui ont ouvert le feu sur une foule désarmée et pacifique, et qu’ils ont même achevé les blessés !

Voir le plan des tireurs des commandos OAS

UN TRAGIQUE BILAN des actions menées par l’OAS, à Alger, entre le 19 et le 26 mars : 56 morts et 149 blessés (militaires -essentiellement du contingent-, algériens...), auxquels il faudrait ajouter toutes les autres victimes d’attentats OAS et de ratonnades de cette même période.

Certes, la fusillade de la rue d’Isly eut, elle aussi, un lourd bilan : 41 morts et 130 à 200 blessés selon les sources consultées. Mais combien, parmi ces victimes, sont tombées sous les balles criminelles de l’OAS ? Certaines ont bien été tuées par les militaires en état de légitime défense. Cependant, le recensement détaillé des munitions utilisées tant par les tirailleurs algériens que par les sous-officiers européens prouvent que si ces soldats aguerris aux combats dans les djebels avaient tiré toutes les balles de fusils et de PM sur la foule compacte des manifestants, ce ne sont pas 41 morts qui auraient été à déplorer, mais plusieurs centaines ! Au moins un soldat de ce 4ème RTA serait mort sous les balles de ce commando OAS, sans doute un second (la vérification est en cours au près des archives officielles), et de nombreux blessés.

Quoiqu’il en soit, cette fusillade tragique résulte bien de la volonté criminelle de l’OAS de tout mettre en œuvre pour empêcher la mise en place du cessez-le-feu et précipiter la population européenne dans un cycle de meurtres, de ratonnades et de terre brulée. Cet affrontement a creusé d’avantage encore le fossé qui sépare Européens et Algériens. Mais les derniers assauts forcenés et meurtriers de l’OAS ne pourront rien changer à la dynamique de paix amorcée à Evian.

LA PORTE OUVERTE A LA PAIX : en cela, le cessez-le-feu du 19 mars 1962 est bien l’événement déterminant, marquant, fondamental qui ouvrit la porte et permit d’aboutir enfin à la paix. Et les victimes de la fusillade de la rue d’Isly ne sont pas "Mortes pour la France", mais tombées pour soutenir l’OAS qui les a manipulées et utilisées – de façon mortelle – pour ses criminels agissements CONTRE LA FRANCE.

La liste des victimes du 26 mars 1962


Il n’est pas question d’oublier ces victimes, qui sont, elles aussi, des victimes de la Guerre d’Algérie, mais il n’est pas tolérable de les considérer comme mortes pour la France. Ce serait une terrible remise en cause des valeurs de la République Française. Elles sont "mortes pour l’OAS, contre la France"

Le Secrétariat aux Anciens Combattants avait décidé d’en retenir 49, finalement il n’y en a que 48, pour les inscrire depuis le 15 mars 2010, sur la colonne centrale du Mémorial du Quai Branly à Paris. Nicole Ferrandis (Présidente de l’Association des Familles de Victimes du 26 mars 1962), comme elle me l’a personnellement signalé, a négocié avec le Secrétaire d’Etat aux Anciens combattants, Hubet FALCO, la liste qui reçoit ainsi un "label" officiel. Comment cette liste a-t-elle été établie ? sur quelle base ?

Je me suis livré à une recherche sur cette liste potentielle de ces victimes. Le 6 Mai 2010, j’ai relevé les 48 noms qui défilent sur la colonne centrale du Mémorial. J’ai comparé cette liste à celle publiée sur le site ADIMAD-OAS (53 noms), à la liste réalisée sur le mur d’enceinte du Mémorial de Théoule sur Mer (64 noms), celle du site Bab el Oued Story (61 noms), celle du site "26mars1962", site officiel de l’Association des Familles de Victimes du 26 mars 1962 (56 noms). Il semble que toutes feraient référence à une liste établie par Simone Gautier (femme d’une des victimes de cette tragédie de la Rue d’Isly, mais "victime" non labellisée) et que le ministère serait parti de la liste diffusée sur ce site "26mars1962" sans reprendre toutefois tous les noms. Sur ce site, figure d’ailleurs 2 fois la même liste de noms avec des commentaires différents.

Dans le tableau (que vous trouvez dans un article joint) que j’ai réalisé en compilant les informations de ces diverses sources, j’y ai rajouté des remarques aux commentaires glanés sur ces sites. On peut constater plusieurs choses surprenantes, qui pourraient être risibles, s’il ne s’agissait pas d’un sujet aussi grave. Ces sources proviennent des sites de l’Addimad-OAS. La liste qui a été publiée sur son site est différente de celle retenue sur le Mémorial de Théoule sur Mer (06) auquel elle a participé dans sa réalisation. Sur le mur qui entoure cette remarquable mémorial (voir la page consacrée à Théoule), 64 plaques y sont apposées . Nicole Ferrandis m’a personnellement informé qu’elle a transmis une liste de noms et financé personnellement, avec sa soeur, cette partie mémorielle on y trouve des choses stupéfiantes :
- 2 personnes figurent 2 fois avec l’orthographe de leur nom légèrement différent
- le comble, sans doute : 2 femmes figurent, comme victimes mortes au cours de cette manifestation, mais elle ont réalisé un livre en 1994, ce sont sans doute des miraculées, ressuscitées !!!
- 5 personnes inscrites sur ces plaques seraient décédées les 22, 23, 24 et 25 mars 1962.

On voit donc que cette liste est très certainement sujette à caution.

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