Photo de la Manifestation du 13 juillet 1953 qui a été réprimée
Adjointe à la Maire de Paris chargée de la Mémoire et du Monde Combattant et Correspondant Défense
Monsieur le Sénateur de Paris, cher Pierre LAURENT,
Madame la Maire du 12e arrondissement de Paris, chère Catherine BARATTI-ELBAZ,
Monsieur le représentant de l’Ambassadeur d’Algérie en France,
Monsieur le Président du Comité départemental de la FNACA Paris, cher Jean LAURANS
Mesdames et messieurs, Chers amis,
Nous sommes réunis aujourd’hui pour commémorer un drame trop longtemps oublié, et injustement occulté de notre mémoire collective, tant à l’échelle parisienne que nationale.
Ici, Place de la Nation, le 14 juillet 1953, en marge du défilé traditionnel réunissant les forces syndicalistes et progressistes, six militants du MTLD (Mouvement pour les Libertés Démocratiques en Algérie) et un membre de la CGT ont perdu la vie, tués par balles par les forces de l’ordre parce qu’ils manifestaient contre l’oppression, contre l’impérialisme et le colonialisme en Algérie.
La Plaque commémorative
Ils s’appelaient Abdallah, Larbi, Abdelkader, Mouhoub, Tahar, Amar et Maurice. Leurs noms sont méconnus du grand public, et pourtant, cette tragédie sanglante du 14 juillet 1953 dont ils ont été les victimes peut être perçue, à bien des égards, comme l’un des prémices d’une séquence douloureuse de notre Histoire commune : celle de huit années d’affrontements et de déchirements, celle d’une guerre qui ne disait pas encore son nom : la Guerre d’Algérie.
L’Histoire est Une, mais nous le savons, les mémoires sont plurielles. Et Paris s’attache, depuis 2001, à commémorer toutes les mémoires de ce conflit sanglant du XXe siècle, tant la Guerre d’Algérie a, dans la Capitale, une résonance toute particulière.
Non loin de là au cimetière du Père-Lachaise, au travers de stèles et de monuments, Paris accueille ainsi la mémoire des 752 parisiens appelés du contingent tués entre 1952 et 1962, celle des victimes de l’OAS ou encore celle des 20 jeunes soldats disparus dans la région des Abdellys en Algérie. Sur le pont Saint-Michel comme à la station de métro Charonne dans le 11e arrondissement, Paris commémore inlassablement chaque année le souvenir des terribles massacres du 17 octobre 1961 et de la répression sanglante du 8 février 1962.
Dès lors, quoi de plus normal, quoi de plus juste que Paris honore, au même titre que les autres, la mémoire des sept victimes du 14 juillet 1953, pour qu’enfin leurs noms sortent de l’ombre de notre Histoire collective.
En apposant cette plaque aujourd’hui, il ne s’agit donc en aucun cas de raviver les tensions d’hier, mais au contraire d’apaiser les mémoires et les esprits, de panser des plaies laissées béantes, et de soulager les douleurs du passé qui demeurent encore vives dans les souvenirs des proches des victimes.
Je veux d’ailleurs saluer très chaleureusement la présence des familles aujourd’hui à nos côtés. Je sais combien cette plaque est importante à leurs yeux. Je sais aussi l’importance qu’elle revêt pour les générations à venir, pour toutes celles et tous ceux qui liront ces quelques lignes, afin que rien ne soit oublié de cet épisode tragique qui eut lieu ici, il y a plus de 60 ans. Et je veux remercier très sincèrement le groupe communiste – Front de Gauche au Conseil de Paris, avec qui nous avons étroitement travaillé pour que cet hommage tant mérité voit le jour.
Ce travail de mémoire est en effet indispensable si nous voulons construire et préserver les bases d’une relation sereine entre la France et l’Algérie. Car se souvenir de toutes ces histoires complexes et douloureuses, dont celle du 14 juillet 1953, c’est permettre de les rassembler dans une démarche de rapprochement entre les peuples, d’apaisement et de réconciliation. C’est permettre que la paix, la fraternité et la tolérance s’érigent en ambition commune, afin de renforcer les liens d’amitiés qui nous unissent, et de regarder ensemble vers l’avenir.
Cet avenir commun, c’est celui de l’affirmation et du respect des Droits de l’Homme. C’est un avenir où l’impérialisme, l’oppression et la servitude doivent être combattus sans relâche pour laisser place à la solidarité et à la fraternité entre les peuples. C’est bien dans cet esprit que manifestaient les militants de l’indépendance du 14 juillet 1953. Et c’est bien dans cet esprit qu’il nous faut continuer les combats et relever les défis qui sont aujourd’hui les nôtres.
Car aujourd’hui encore, partout dans le monde, certains peuples subissent l’impérialisme de grandes puissances ou la tyrannie de mouvements obscurantistes et terroristes. Dans ces pays qui flambent dans des conflits qui paraissent sans fin, des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, poussés par l’espoir d’un avenir meilleur, se jettent par-delà les mers pour fuir les violences, les persécutions et les exactions dont ils sont les victimes.
Ces situations de détresse humaine exigent que nous soyons à la hauteur de notre Histoire et de ce qu’elle nous a enseigné, c’est-à-dire, je le redis, l’importance de la solidarité et de la fraternité entre les peuples. Ces drames actuels exigent que nous soyons fidèles à nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, et que nous agissions en conséquence.
C’est au nom de ces valeurs que les manifestants du 14 juillet 1953 dénonçaient le colonialisme et l’oppression. Et c’est à ce titre que sept de ces militants de la liberté et de l’émancipation humaine ont perdu la vie.
En honorant leur mémoire sur cette place dont le nom fait symboliquement écho à leur revendication d’indépendance, ces quelques lignes gravées dans la pierre nous invitent donc également à tirer les leçons de cette blessure de l’Histoire.
Car c’est en comprenant leur combat que nous serons en mesure de relever les défis de notre époque. C’est en comprenant les valeurs qui les animaient que nous serons en mesure de bâtir ensemble et à notre tour un avenir plus solidaire, plus accueillant, plus fraternel et plus humain.
Je vous remercie.
Une partie de l’assistance
Pierre Laurent, Catherine Vieu-Charier en discussion avec Mohamed Ghafir ce militant algérien si actif (en particulier à l’occasion de la manifestation du 17 octobre 1961) que tout le monde ne connait que sous le nom de "Moh de Clichy", venu spécialement d’Algérie pour cette initiative
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