Au nom du MRAP, j’ai prononcé cette intervention
L’historique de cet massacre odieux, en plein Paris, l’un des plus importants qu’ait jamais connu la capitale, mérite en effet d’être commémoré. Près de 300 Algériens ont été assassinés par la Police parisienne sous les ordres du Préfet de Police de l’époque Maurice Papon qui n’a d’ailleurs jamais eu à répondes devant la justice de ces exactions. Beaucoup de victimes ont péri noyées dans la Seine sur ce Pont Saint Michel.
Effectivement, aujourd’hui 2 amis nous manquent, ici, sur ce pont, Mouloud Aounit et Jean-Luc Einaudi. Tous deux disparus. Ils ne pourront être oubliés tant ils ont dépensé d’énergie pour que le 17 octobre ne sombre pas définitivement dans les flots de la Seine, mais qu’enfin, ce crime d’Etat soit reconnu et condamné par les plus hautes autorités de notre pays.
Deux autres amis sont absents aujourd’hui, Mehdi Lallaoui et Samia Messaoudi, responsables de "Au nom de la Mémoire" qui ont tant œuvré pour que le souvenir de ce 17 octobre se perpétue. Ils sont entrain d’intervenir en Province en ce moment. En effet depuis quelques années cette commémoration n’est plus seulement une spécificité parisienne (Paris et Banlieue), des initiatives se multiplient également en Province
Beaucoup de présents d’aujourd’hui avaient espéré qu’enfin, François Hollande allait faire ce geste tant attendu. En effet, le 15 octobre 2011, à l’occasion du 50ème anniversaire, alors qu’il était candidat à la primaire socialiste il avait signé, juste quelques instants après sa concurrente Martine Aubry, la pétition que notre collectif avait initié sur Médiapart (et qui avait recueilli de très nombreuses signatures) réclamant que le futur président de la République reconnaisse et condamne ce crime d’état commis au nom de la France. Une fois élu, nous avions pensé, sans doute naïvement, qu’il allait concrétiser son engagement personnel. Notre collectif l’interpella un bon mois à l’avance, n’ayant pas de réponse, nous renouvelions notre courrier une semaine avant le rassemblement en précisant que nous viendrions chercher la réponse le 17 octobre 2012 à 15h pour la communiquer sur le Pont Saint Michel. 6 Militants ont attendus en vain, plus d’une heure, sous la pluie, devant les grilles de l’Elysée, sans être reçus. Dès que nous sommes partis pour nous rendre au Pont Saint Michel le communiqué de l’Elysée était diffusé sur les réseaux de l’AFP déclarant : "Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes." Quel mépris, ne même pas remettre ce texte aux militants du collectif !!! Et le contenu, inacceptable : qui a tué ces Algériens ? En quelques mois notre président était donc devenu amnésique, et il ne semble pas que la mémoire lui soit revenue depuis.
Au sujet de cette Guerre de Libération du Peuple Algérien le pouvoir actuel, malgré ses engagements, de permettre à la vérité d’être connue, continue de distiller des bribes d’informations. Je ne citerai qu’un autre exemple significatif concernant l’assassinat de Maurice Audin. Le 18 juin un communiqué de l’Elysée était diffusé et qui disait entre autre : "Mais les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M. AUDIN ne s’est pas évadé. Il est mort durant sa détention". C’est intéressant parce que, enfin, la version officielle de la farce de l’évasion est abandonnée. Mais comment est-il mort en détention ? d’un malaise cardiaque ? De vieillesse à 25 ans ? Pourquoi ne pas dire assassiné ? Et ces témoignages, documents, nombreux et concordants "dont nous disposons" pourquoi ne sont-ils toujours pas connus plus d’un an après cette déclaration ?
Alors que la "nostalgérie" véhiculée par les nostalgiques de l’Algérie Française et de l’OAS se développe, que les stèles continues de fleurir, "honorant" les tueurs de l’OAS, et en particulier ceux qui ont été condamné à mort et exécutés pour leurs crimes commis à cette époque, et que le pouvoir continue de laisser faire comme à Aix en Provence en juin 2013, comment ne pas s’indigner de ce laxisme coupable.
Il est plus que temps qu’un lieu de mémoire voué à ce massacre, comme la résolution votée par le Sénat en octobre 2012 le demandait, soit rapidement mis en œuvre par les autorités de l’Etat, de la Ville de Paris et la Région Ile-de-France.
Pour être fidèles à leur mission scientifique, les historiens ont besoin de pouvoir accéder librement aux archives, échapper aux contrôles des pouvoirs ou des groupes de pression et travailler ensemble, avec leurs homologues de l’autre rive de la Méditerranée.
La vérité doit être dite sur l’organisation criminelle de l’OAS que certains, comme à Béziers avec le Maire Robert Ménard et au sein de l’ancienne majorité présidentielle, veulent réhabiliter.
Ce n’est qu’à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la Guerre d’Algérie, à savoir le racisme dont sont victimes aujourd’hui nombre de citoyennes et citoyens, ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières.
On ne construit pas la démocratie sur des mensonges et des occultations. Après un demi-siècle, il est temps que le Président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d’état, ainsi que l’ensemble des crimes d’état, contre l’humanité tout particulièrement commis pendant la Guerre de Libération du Peuple Algérien au nom de la France.
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