Henri POUILLOT
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L’affaire Maurice Audin devant la justice... à Marseille le 22 septembre 2015
Article mis en ligne le 24 septembre 2015

par Henri POUILLOT
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Le Général Schmitt me poursuivait pour diffamation à partir de la lettre ouverte (voir) remise en main propre au Général Pierre de Villiers, chef d’état Major des Armées le 6 septembre 2014 à Versailles.

Article de l’Humanité du 23 sept. 2015

L’affaire Maurice Audin devant la justice marseillaise par Marc Bussone
Maurice Audin, mathématicien et chercheur de 25 ans, en juin 1957 à Alger. (Photo : DR)

Dans sa lettre ouverte, le président de l’Arac des Yvelines, Henri Pouillot, affirme que le général Maurice Schmitt avait «  obligatoirement  » connaissance d’éléments sur l’assassinat, jamais reconnu comme tel, de Maurice Audin. Cela lui a valu de passer, hier, devant le tribunal pour diffamation.

Un pas après l’autre, il y a des audiences qui rapprochent de la justice et de la vérité historique. Même 58 ans après les faits, même quand il s’agit d’un crime d’État, un meurtre couvert par la Grande Muette depuis tout ce temps, celui de Maurice Audin, militant du Parti communiste algérien, disparu après son arrestation par des parachutistes, le 10 juin 1957, dans la soirée.

C’est le cas du procès en diffamation qui a eu lieu hier après-midi à Marseille, opposant le général Maurice Schmitt, ancien chef d’état-major des armées et Henri Pouillot, président de l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants) des Yvelines et du réseau Sortir du Colonialisme.

Au moment du meurtre de Maurice Audin, brillant mathématicien et chercheur de 25 ans, en juin 1957 à Alger, le premier était lieutenant de l’armée française. Le second sera appelé en 1961, chargé de l’intendance à la sinistre villa Susini, à l’époque l’un des principaux centres de torture de militants du FLN. Le général Schmitt, qui terminera sa carrière comme chef d’état-major de François Mitterrand lors de la première guerre du Golfe, reproche à Henri Pouillot de s’être interrogé, dans une lettre ouverte, sur les informations que l’officier pourrait détenir sur le sort de Maurice Audin.

Depuis sa disparition, la famille de Maurice Audin – sa femme et ses enfants – n’avait trouvé face à elle qu’une réponse officielle de l’armée et de l’État : le militant anticolonialiste s’était évadé le 21 juin, dix jours après son arrestation, lors d’un transfert, puis s’était volatilisé.

Le cas Audin a été obligatoirement commenté par les officiers

Mais tout a commencé à basculer l’an dernier, même si en 2012 les carnets personnels du colonel Godard, dans lesquels l’ancien aide de camp du général Massu désigne l’exécuteur présumé, sont redécouverts aux États-Unis. Lors de confessions posthumes diffusées en janvier 2014, le général Paul Aussaresses avoue avoir donné l’ordre de tuer Maurice Audin. Le 18 juin suivant, dans un communiqué de l’Élysée, François Hollande lève en partie seulement le voile sur de nouvelles recherches dans les archives du ministère de la Défense."Ces recherches n’ont pas permis de lever les incertitudes qui continuent d’entourer les circonstances précises de la mort de M. Audin, que la justice n’a plus les moyens d’éclairer. C’est aux historiens qu’il appartient désormais de les préciser", écrivait le président, qui mettait ensuite fin à un secret de Polichinelle : "Mais les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion, qui avait été avancée à l’époque. M. Audin ne s’est pas évadé. Il est mort durant sa détention."Si l’évasion est abandonnée, rien n’est dit, en revanche, sur les circonstances, ni sur les acteurs de la mort du jeune mathématicien. Alors, le 5 septembre 2014, Henri Pouillot, signataire de l’Appel des 171 qui exige la vérité, remet une lettre ouverte au général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées. L’ancien appelé y écrit que des militaires de l’époque sont probablement détenteurs d’informations.

"Le général Maurice Schmitt (qui occupa les mêmes fonctions que vous actuellement, il y a quelques années) était capitaine à l’époque des faits, dans les fonctions d’officier de renseignement. Il rencontrait donc quotidiennement au QG de l’état-major d’Alger tous les autres officiers de renseignement du secteur ? Ils se retrouvaient pour faire le point sur leurs “résultats”. Le cas de Maurice Audin (comme celui d’Henri Alleg) a donc été obligatoirement commenté très largement, étant donné l’importance de tels “détenus” ", assurait-il dans sa lettre ouverte, ce que le général Schmitt considère comme diffamatoire. "On lui fait porter le poids indu d’une vérité qu’il ne détient pas", a ainsi plaidé son avocat, Me José Allegrini. Henri Pouillot, qui en est à son troisième procès avec le général Schmitt, estime qu’aucun militaire n’apportera son témoignage du vivant des protagonistes.

"Des points essentiels doivent encore être éclaircis, on est encore loin de la vérité dans cette affaire", confirme Me Pierre Mairat, avocat d’Henri Pouillot. Le délibéré est prévu 
le 3 novembre.

Article de La Marseillaise du 23 sept. 215 par Myriam Guillaume

Affaire Audin : 57 ans de mensonge, et la vérité loin du point final

Le Tribunal de grande instance de Marseille replonge dans les affres de la guerre d’Algérie. Le général Maurice Schmitt poursuit le président de "Sortir du colonialisme" en diffamation.

Maurice Audin ne s’est pas évadé comme la version officielle l’a assuré pendant 57 ans. "Il est mort durant sa détention", confirmait le 18 juin 2014, l’Élysée. Mais dans quelles circonstances ce jeune mathématicien de 25 ans, membre du Parti communiste algérien, a-t-il trouvé la mort, après qu’il a été arrêté par les parachutistes du général Massu le 10 juin 1957 ? C’est ce que tentent d’éclaircir les historiens Pierre Vidal-Naquet, Jean-Pierre Vernant, Raphaëlle Branche, par exemple, et sa femme Josette. Ou encore Henri Pouillot, ancien combattant et citoyen chercheur. Hier, l’affaire Audin venait à la barre à Marseille.

"Le général Maurice Schmitt était capitaine à l’époque des faits, dans les fonctions d’officier de renseignements, il rencontrait donc quotidiennement au QG de l’État Major d’Alger tous les autres officiers de renseignements du secteur ?" : c’est sur cette affirmation, ponctuée par un point d’interrogation, que démarre l’audience.

Le chef d’État major Maurice Schmitt, qui n’en est pas à sa première comparution (il est condamné en octobre 2003 pour diffamation à l’encontre de Malika Koriche, Ali Moulaï et Rachif Ferrahi qui l’ont désigné comme celui qui a ordonné et dirigé leur torture en 1957), voit dans ce passage d’une lettre ouverte d’Henri Pouillot publiée par Le Combattant une diffamation à son égard puisqu’il aurait ainsi été informé du sort de Maurice Audin : « On considère que je sais et que je me tais. »

Matière à interrogation

Certes, le général Schmitt n’était pas officier de renseignements mais lieutenant : "Je faisais du Vigipirate." Certes, rappelle la procureure, "quand on affirme quelque chose d’aussi grave, il faut le prouver". Certes, "les faits de tortures tout le monde en a parlé", balaye encore d’un trait le bâtonnier José Allégrini, avocat d’un plaignant qui ne fait pas mystère dans ses publications de la haine qu’il nourrit contre les communistes. Mais, insiste maître Pierre Mairat, pour la défense de l’accusé, stupéfait d’être à la barre sur la base d’une question de ponctuation, "nous affirmons qu’il faut interroger les militaires en poste à ce moment et que les réunions étaient quotidiennes entre Schmitt et les autres officiers impliqués dans cet épouvantable épisode". Fait avérés par le général lui-même dans ses écrits de "travail d’équipe intense" et autres "liaisons quotidiennes".

Pour José Allégrini, "le fond c’est l’affaire Audin" et il s’agit ici de faire porter à son client "le poids indu d’une vérité qu’il ne détient pas". Pour l’historien Gilles Manceron, témoin appelé à la barre, lecteur attentif du général, mais également des Carnets secrets de la guerre d’Algérie, dans lesquels le récit d’Huguette Akkache où le nom du lieutenant Schmitt est cité à plusieurs reprises comme dirigeant les interrogatoires et ordonnant les tortures, le doute persiste sérieusement : « Il a rencontré des officiers de l’État Major de la 10e DP, dont le lieutenant colonel Roger Trinquier, collaborateur direct de Massu, et le capitaine Alain Léger, le commandant Paul Aussaresses étant chargé par le général Massu de l’action. C’est son régiment qui a démantelé le réseau FLN à l’origine d’une série d’attentats. Il peut donc avoir des informations sur les circonstances de la mort d’Audin. » Le général cite par ailleurs Maurice Audin en ces termes : "Il est clair que Boumendjel, Maurice Audin et Larbi Ben M’Hidi auraient dû être traduits devant un tribunal. Les trois autres ont été exécutés sur ordre durant leur détention."

Il y a donc bien lieu d’interroger ces officiers. "Nous ne sommes pas sur la notion de repentance, précise Jacques Pradel, nous cherchons à donner à l’Histoire les moyens d’une vérité." Le tribunal rendra son délibéré le 3 novembre.

A la sortie de la salle d’audience, ue partie des amis venus me soutenir, venus de Marseille, mais aussi de Nimes, Toulon, Paris...

Témoignage de Gilles MANCERON à la barre

"Si l’armée veut faire la lumière".

"Personne 
n’a dit que le général Schmitt était 
un témoin direct de l’assassinat de Maurice Audin. Mais il ne semble pas absurde de demander au chef d’état-major des armées d’interroger les officiers qui pourraient avoir des informations".

"Si l’armée veut faire 
la lumière, elle le peut."

Résumé de la déposition de Gilles Manceron au procès de Maurice Schmitt contre Henri Pouillot le 22/09/2015 à Marseille (LDH de Toulon)

Le président du tribunal : Que pouvez-vous dire comme historien de la disparition de Maurice Audin ?

Gilles Manceron : Maurice Audin, professeur de mathématique âgé de 25 ans et membre du PCA, a été arrêté le 10 juin 1957 à son domicile à Alger par les parachutistes du général Massu, qui avait depuis janvier 1957 la charge des pouvoirs de police à Alger et pratiquaient arrestations, détentions et interrogatoires sous la torture en tenant à l’écart la justice. Henri Alleg, ancien directeur d’Alger Républicain, arrêté peu après au domicile d’Audin, l’a retrouvé au centre de détention d’El Biar et a témoigné de ce qu’il y avait été torturé. Le 22 juin, la jeune femme de Maurice Audin, Josette, enseignante en mathématiques elle aussi, issue d’une famille européenne d’Algérie, restée seule avec trois enfants dont le dernier avait juste un mois, a reçu la visite de deux parachutistes qui lui ont dit "Vous croyez le revoir un jour, votre mari ?… Espérez, vous pouvez toujours espérer…" et parlé de lui au passé. Le 1er juillet, elle est reçue par le lieutenant-colonel Roger Trinquier, chargé du renseignement et collaborateur direct du général Massu. Il lui dit que Maurice Audin s’est évadé le 21 juin, au cours d’un transfert où il n’était pas menotté. Sachant qu’une telle version est la couverture habituelle d’exécutions sommaires, elle accuse les parachutistes de l’avoir tué et dépose plainte pour homicide volontaire.

Des éléments nouveaux sont apparus ces dernières années. En mars 2012, une journaliste du Nouvel Observateur, Nathalie Funès, a révélé que le colonel Yves Godard, commandant alors la zone Alger-Sahel, a écrit dans des carnets déposés à l’Université de Stanford (Californie) qu’Audin a été tué, sur ordre, par le sous-lieutenant du 6e RPC Gérard Garcet — qui était au début de 1957 l’officier d’ordonnance du général Massu (voir : Colonel Godard, Les paras dans la ville, Fayard, 1972, p. 228). Puis, peu avant sa mort le 3 décembre 2013, le général Paul Aussaresses — commandant, à l’époque — a confié au journaliste Jean-Charles Deniau — qui l’a rapporté dans son livre La vérité sur la mort de Maurice Audin, paru en janvier 2014 — que l’ordre de le tuer est venu du général Massu et que le sous-lieutenant Gérard Garcet est bien celui qui l’a appliqué. Il est clair pour les historiens que, s’il y a eu alors — comme l’a affirmé Aussaresses — un ordre du général Massu, il a forcément été partagé par le ministre résidant Robert Lacoste.

La déclaration d’Aussaresses a conduit le Président de la République à mettre fin à la version qui a été la version officielle pendant cinquante-sept ans, celle de l’évasion. Il a reçu le 17 juin 2014 à l’Elysée Josette et Pierre Audin, l’un des fils du disparu, et rendu public le 18 juin un message à l’occasion de la remise du Prix Maurice Audin de mathématiques. Dans ce message, pour la première fois, un président de la République a reconnu que « les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M. Audin ne s’est pas évadé, il est mort durant sa détention ». Cela revient à reconnaître que, pendant cinquante-sept ans, les autorités de l’armée et de la République ont fait d’un mensonge leur vérité officielle.

Mais de quoi Maurice Audin est-il mort alors qu’il était détenu par les parachutistes ? Le Président de la République a écrit dans son message qu’il avait ordonné « que soient engagées des recherches sans précédent dans les archives du ministère de la Défense, afin de découvrir si des documents officiels permettaient d’éclairer de façon définitive les conditions de la disparition de M. Audin en juin 1957. Ces recherches n’ont pas permis de lever les incertitudes qui continuent d’entourer les circonstances précises de la mort de M. Audin ». Dans ces conditions, il parait légitime de demander au chef d’état major des armées d’interroger des officiers encore vivants ayant participé à la Bataille d’Alger ce qu’ils savent sur cette mort.

Le président : Que pensez-vous du fait de suggérer en septembre 2014 qu’on demande à Maurice Schmitt s’il sait quelque chose sur la mort de Maurice Audin ?

Gilles Manceron : Le lieutenant Maurice Schmitt n’a pas participé à la première phase de la bataille d’Alger, de janvier à début juillet 1957. Il a rejoint partir d’avril 1957 le 3e régiment de parachutistes coloniaux — à la compagnie d’appui de ce régiment, dont il était l’officier adjoint puis le commandant. Mais, même s’il n’a pas eu affaire à Maurice Audin et s’il n’était pas à Alger entre le 10 et le 21 juin, quand celui-ci a été détenu et est mort durant sa détention, il a une connaissance très précise des évènements à Alger pendant toute l’année 1957. Dans son livre Alger - été 1957. Une victoire sur le terrorisme (L’Harmattan, 2002), il relate ce qui s’est passé avant son arrivée à Alger avec le 3e RPC, le 20 juillet, et consacre tout un chapitre (le chapitre 8) à la suite de la bataille d’Alger, après le 4 septembre, quand lui-même et les parachutistes du 3e RCP ont été remplacés par ceux du 1er REP. Il est arrivé à Alger un mois après la mort de Maurice Audin. Il a rencontré fréquemment — il en fait état dans son livre —des officiers de l’état-major de la 10e DP, dont le lieutenant-colonel Roger Trinquier, collaborateur direct de Massu, et le capitaine Alain Léger — le commandant Paul Aussaresses (du 1er RCP) étant chargé par le général Massu de l’« action ». C’est son régiment, le 3e RCP qui a démantelé entre le 28 janvier et le 19 février 1957 le réseau FLN à l’origine d’une première série d’attentats (voir notamment : Colonel Godard, Les paras dans la ville, p. 266). Il peut donc avoir des informations sur les circonstances de la mort de Maurice Audin, le 21 juin 1957, même s’il n’était pas à Alger à cette date.

Par ailleurs, il nomme une fois Maurice Audin dans son livre, dans la phrase suivante : "Il est clair que Boumendjel, Maurice Audin et Larbi Ben M’Hidi auraient dû être traduits devant un tribunal…" (page 142). Ali Boumendjel et Larbi Ben M’Hidi ayant été tués, sur ordre, durant leur détention, cette phrase semble indiquer que Maurice Audin a été lui aussi l’objet d’une décision de mise à mort. Il est donc logique de lui demander s’il peut le confirmer et s’il peut apporter des précisions sur ce point. La question est fondée.

Le président : Qu’avez-vous à dire sur le fait que Maurice Schmitt s’estime diffamé par la suggestion qu’on lui demande ce qu’il sait de cette mort ?

Gilles Manceron : Dans son livre déjà cité, il relate comment plus de 80 membres de la Zone autonome d’Alger du FLN ont été détenus et interrogés par les parachutistes du 3e RPC à l’ "école Montpensier". Or plusieurs de ces détenus ont témoigné avoir vu le lieutenant Schmitt diriger et effectuer des tortures sur des personnes incarcérées. En juin 2001, sur France 3 et dans le quotidien Le Monde, Malika Koriche, Ali Moulaï et Rachid Ferrahi l’ont désigné comme ayant ordonné et dirigé leurs tortures durant l’été 1957 à l’école Sarouy, rue Montpensier à Alger. Le général Schmitt a répondu en 2002 dans ce livre que ses parachutistes n’avaient pas eu besoin de torturer Ali Moulaï — puisqu’il a parlé de lui-même de peur d’être torturé et a donné de nombreuses informations sur le réseau FLN —, mais sans répondre aux deux autres témoignages, notamment celui de Malika Koriche. Le 19 mars 2005, Le Monde a ajouté celui de Farid Ferrahi, qui a assisté aux tortures subies par son père, Rachid Ferrahi.

Et, surtout, en 2012, un élément nouveau s’est ajouté : la publication intégrale par le journaliste à La Croix, Jacques Duquesne, dans son livre Carnets secrets de la guerre d’Algérie (Bayard, 2012), du récit de Huguette Akkache, constitué de 42 pages dactylographiées envoyées en février 1959 au rédacteur en chef de La Croix, le R. P. Wenger. (1) Elle y relate le mois et demi de détention qu’elle a subi pendant l’été 1957 durant la bataille d’Alger, à l’école Serrouy, rue Montpensier, transformée par les parachutistes en « centre d’interrogatoire », puis, à Ben Aknoun, dans un ancien camp ayant servi aux troupes américaines. Son récit a été écrit après son retour en France, en 1958, a été envoyé aussi à la Commission de sauvegarde des droits et libertés fondamentales ainsi qu’à différentes personnalités (le général de Gaulle, François Mauriac, Jean-Paul Sartre, Maurice Clavel) et à d’autres journaux (Témoignage Chrétien, à Hubert Beuve-Méry au Monde…). Témoignage Chrétien en reproduit des extraits dans un supplément intitulé « Témoignages et documents », et Le Monde a fait de même en décembre 1959, sous le titre « Le Centre de tri ». Il avait été publié dans une version quasi intégrale, relue et légèrement mise en forme par l’auteur, en 2004, sous le titre d’Un été en enfer. Barbarie à la française. Alger 1957, par les éditions Exils à Paris, signé du pseudonyme de H. G. Esméralda. Mais, dans cette édition, les noms des tortionnaires n’apparaissent qu’en abréviations. En 2012, le livre de Jacques Duquesne les publie intégralement, pour la première fois, avec les noms propres entiers des tortionnaires tels qu’entendus prononcer (d’où des erreurs orthographiques). Celui du lieutenant Schmitt (orthographié Schmidt) est cité à treize reprises. Ce lieutenant est décrit comme dirigeant les interrogatoires, ordonnant aux bourreaux de poursuivre ou de stopper les tortures, et actionnant parfois lui-même la magnéto tout en lançant de violentes diatribes anticommunistes.

Est-ce la raison pour laquelle il réagit ainsi quand on évoque devant lui les tortures pratiquées par les parachutistes ou la mort de Maurice Audin lors de la bataille d’Alger ? Déjà, le 6 mars 2002, lors du débat qui a suivi la diffusion sur France 3, du documentaire de Patrick Rotman, L’Ennemi intime, il n’avait pas supporté les témoignages sur la torture de deux acteurs de la guerre d’Algérie — Louisette Ighilariz et Henri Pouillot —, qu’il a accusé de mensonge, ce qui lui a valu un procès en diffamation.

Est-ce sa gêne quand il se rappelle son propre rôle à Alger en 1957 qui l’a fait réagir ainsi ? Notamment quand Henri Pouillot a suggéré en septembre 2014 au chef d’état-major des armées qu’on l’interroge sur ce qu’il pourrait savoir des conditions de la mort de Maurice Audin ? Maintenant que nous savons qu’un mensonge a été énoncé à sa veuve le 1er juillet 1957 et qu’il a été répété pendant cinquante-sept ans comme une vérité officielle, jusqu’à ce que, le 18 juin 2014, le président de la République le démente, n’est-il pas légitime de demander au chef des armées d’établir la vérité ?

Personne n’a dit que le général Schmitt était un témoin direct de l’assassinat de Maurice Audin. Mais il ne semble pas absurde de demander au chef d’état-major des armées d’interroger les officiers qui pourraient avoir des informations sur sa mort. Si l’armée veut faire la lumière, elle le peut.

Gilles Manceron, le 24 septembre 201

Notes :
(1) Jacques Duquesne a débuté sa longue carrière de journaliste à la fin de 1957 comme reporter en Algérie pour le quotidien La Croix. Il préside aujourd’hui l’association qui supervise l’ensemble du groupe Ouest-France. En 2012, il a publié Carnets secrets de la guerre d’Algérie chez l’éditeur Bayard. Il écrit dans le Préambule : "A 82 ans, mes années d’Algérie me reviennent. […] Cette guerre que j’avais couverte pour La Croix s’est imposée dans ma mémoire au moment où j’ai rouvert les cartons que j’avais soigneusement ficelés et rangés au fond d’un grenier en Corrèze il y a 50 ans". Son livre contient, aux pages 137 à 163, le récit envoyé le 15 février 1959 au R. P. Wenger, rédacteur en chef de La Croix, qui nomme en toutes lettres à treize reprises le lieutenant Maurice Schmitt. Jacques Duquesne le présente ainsi : "Sur 42 pages dactylographiées, une jeune femme algéroise, mère d’une petite fille, raconte, en termes simples et précis, les 43 jours de détention et de torture qu’elle a subies, à l’école Serrouy, rue Montpensier, près de la Casbah, un établissement transformé par les paras

P.S. :

Le verdict sera annoncé le 3 novembre 2015, Je publierai alors le document que j’ai réalisé pour préparer ce procès, démontrant ma bonne foi, et comment, à partir les livres publiés par le Général Schmitt lui-même, j’ai pu faire cette démonstration, même si je n’ai pas pu tout dire compte tenu du temps disponible dans cette audience.

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