Depuis plusieurs années, désormais, une soirée spéciale est organisée à l’Espace Niemeyer (siège du PCF)
Voici l’intervention que j’y ai faite
Sortir du Colonialisme est un collectif qui s’est constitué en février 2006, pour le premier anniversaire de la loi du 23 févier 2005 proposant de reconnaître comme positif le colonialisme français en particulier en Afrique du nord. Le 23 février 2006 nous n’étions parvenus qu’à réaliser un appel pour un rassemblement devant l’Assemblée Nationale pour demander la suppression de cette infâme loi. Malgré la signature de plusieurs dizaines d’associations, nous ne nous étions retrouvés que 150/200 personnes pour crier notre colère. Mais était germée l’idée qu’il était nécessaire de regrouper toutes les organisations (associations, partis politiques…) afin de poursuivre ce combat. "Sortir du colonialisme" s’est constitué en collectif afin de fédérer les actions proposées par chaque organisation, et ainsi les valoriser. Depuis maintenant plusieurs années nous organisons un salon anticolonial (cette année les 14/15 février) à la Bellevilloise à Paris 20ème voyant défiler plusieurs milliers de personnes pour discuter avec les militants des organisations qui y tiennent un stand (une cinquantaine), participer à une dizaine de débats,… Cette année, ce sera Bachir Ben Barka qui l’inaugurera.
Et puis ce sera la semaine anticoloniale qui durera 3 bonnes semaines avec chaque jour plusieurs initiatives : débats, colloques, films avec débats, poésie, concerts… il faut aller sur le site www.anticolonial.net pour constater l’ampleur des initiatives prises. Maintenant ce n’est plus qu’en Région Parisienne, mais aussi à Montargis, Bordeaux, Marseille, Lyon,… que s’organisent des évènements
Mercredi dernier nous avons organisé un "Colonial Tour" afin des montrer à la presse quelques lieux symboliques où des crimes coloniaux y ont été commis depuis 60 ans. Aucun à ce jour aucun n’a été officiellement élucidé. Aucun coupable n’a eu à en rendre compte devant la justice. On sait que ce sont généralement des services secrets / spéciaux qui en sont à l’origine et souvent des collaborations entres services français et étrangers : l’un des plus médiatisés reste sans doute celui de Mehdi Ben Barka à la Brasserie Lipp sur le Boulevard Saint Germain, il y a 50 ans : les services secrets marocains en coopérations avec les français ont organisé l’enlèvement et la disparition. Nous nous sommes rendus sur les lieux où Mahmoud Al Hamchari, représentant en France de l’OLP, Amokhrane Ould Aoudia avocat de militants du FLN, Mehdi Ben Barka responsable de la préparation de la Tricontinentale à la Havane, Henri Curiel militant internationaliste pour l’Algérie et la Palestine, Mohammad Boudia militant du FLN puis du FPLP palestinien, Dulcie September, représentante de l’ANC sud africaine en France, Nadarajah Mathinthiran responsable en France des Tigres de libération de l’Eclam tamoul, et Sakine Casiz, Fidan Dogan, Leyla Soylemez ces trois Kurdes assassinées il y a toujuste 2 ans. Mais nous y associons Basil Al Kubeisi (Irakien), Laïd Scbai (Amicale des Algériens) Salah Bitar, (Syrien), Ali André Mecili Algérien), Atef Bsissou (Palestinien), Redz Mazioman (Iranien), Kandiah Perinpanathan,. Cette liste non exhaustive ne concerne que les assassinats commis à Paris, et aucun n’a abouti à un jugement. Nous avons décidé de saisir la Ministre de la Justice Christiane Taubira pour permettre vérité et justice afin de faire la lumière sur ces événements tragiques, qui ont marqué l’histoire de la capitale en demandant que, pour les crimes politiques et coloniaux, il y ait imprescriptibilité de ces crimes. Un rendez-vous était fixé le vendredi 6 février après-midi. Il a été annulé au dernier moment : une suite aura-t-elle lieu ?
Pour nous, 2015 est une année symbolique parce que 1945, 1965, 1985, 2005 sont des dates qui resteront des étapes, des marqueurs :
1945, ce sont les massacres de Sétif – Guelma – Khérrata avec environ 40.000 morts, à la suite de la répression menée par l’armée la police française et les milices armées par l’administration française. Les algériens avaient cru que les promesses faites pour aller se battre contre le nazisme allaient leur octroyer un statut de citoyens à part entière. La France coloniale ne pouvait l’accepter.
1965, Après les indépendances juridiques, les anciennes colonies espéraient se doter d’une indépendance économique, politique, dans le cadre du tiers-mondialisme, et tout particulièrement avec la Tricontinentale. C’est pourquoi la France n’a pas accepté cette évolution et l’assassinat de Medhi Ben Barka en est la concrétisation. C’est aussi le génocide des communistes indonésiens, le plus important parti communiste de la planète. L’impérialisme mondial ne pouvait accepter une remise en cause du capitalisme. 1965 est donc une année charnière parce que les perspectives d’un espoir de changement de l’ordre mondial va ainsi basculer.
1985, le 12 janvier 1985, Eloi Machoro indépendantiste kanak, est mort sous les balles du GIGN. C’est ce mouvement, le FNKS, qui mènera la lutte pour l’indépendance, contestée par la France. Les "accords" de Nouméa prévoyaient un référendum d’autodétermination dont on peut se demander si la France va accepter son déroulement.
2005, C’est la loi française voulant graver dans le marbre le "rôle positif de la colonisation". Mais cette évolution vient d’un glissement de la droite française vers l’extrême droite issue de la colonisation, imbibée de sa nostalgie.
La politique française n’a pas fondamentalement vraiment changé avec ses anciennes colonies. Certes les guerres de libération ont été terribles Cameroun (dont on a peu parlé), l’Indochine, l’Algérie… Mais malgré les indépendances juridiques acquises par ces colonies, nombreux de ces pays restent dépendants de la politique décidée par la France. La Françafique concoctée par De Gaulle perdure encore actuellement. De nombreux présidents sont maintenus en place à condition de faire allégeance à l’ancien pays colonisateur, moyennant corruption. D’autres, comme Thomas Sankara, qui ont eu des velléités de rompre ces liens de dépendance, ont été éliminés. Les mercenaires de Bob Dénard et compagnie ont mené ces sales besognes pendant des dizaines d’années. Le franc CFA imposé, contrôlé par la France est une contrainte économique déterminante, surtout quand il fut dévalué de 50% en 1994 sans que ces pays aient leur mot à dire, générant une misère pour la majorité des populations. Il serait temps que la France efface enfin la dette de ces pays, déjà largement remboursée par les intérêts imposés. François Hollande, après François Mitterrand, n’a pas changé dans ce domaine. En 2012, quelques semaines après l’élection présidentielle Ali Bongo avait droit au tapis rouge de l’Elysée, tout un symbole.
Très récemment, en contradiction avec les décisions de l’ONU, La France a recolonisé Mayotte, cette ile dépendant du pays indépendant "Les Comores". A cause des visas Balladur, cette région est l’un des plus grands cimetières marins (des milliers de mahorais) pour lequel la France à l’entière responsbilié.
Cette politique se traduit par les interventions au Mali, en Centrafrique, au Moyen Orient… Je ne prendrai qu’un exemple : rappelons que le Mali est le 3ème pays producteur d’or du monde, le Sahel (dont une partie se trouve dans ce pays) est la principale zone de minerai d’uranium du monde, des réserves de pétrole et de gaz très importantes ont été récemment trouvées, pas encore exploitées : une raison "suffisante" pour maintenir une domination économique des multinationales dites françaises dans cette région. Depuis les indépendances des années 1960, il n’y a eu que 58 interventions militaires françaises en Afrique, c’est à dire une par an en moyenne pour maintenir le contrôle économique, politique dans cette région.
Toutes ces interventions sont officiellement menées au nom de la civilisation. Hier le colonialisme avait pour justification de civiliser des populations arriérées, en pratiquant le racisme : racisme et colonialisme sont toujours indissociables. Depuis 20/25 ans (guerre du Golfe), les interventions militaires sont quasiment toutes "justifiées" (Afghanistan, Irak, Lybie, Syrie,…) par ce concept qui cache très mal cependant les exigences de contrôle des ressources énergétiques, le pétrole en particulier. Mais le constat, c’est que les conflits s’enlisent, créant de terribles catastrophes, humaines, et que la situation est pire qu’avant les interventions. On ne règle jamais des questions de civilisation par les armes, par contre la misère provoquée par les conflits est le terreau pour le développement de tous les extrémismes, les plus dangereux, un engrenage incontrôlable.
Nos plus hautes autorités françaises, et dans ce domaine François Hollande excelle remarquablement, ont l’habitude de donner des leçons de droits de l’homme à chaque occasion. Elles semblent confondre la notion de pays où furent écrites les bases de ce droit avec le pays qui les applique. Le colonialisme n’a toujours pas été reconnu comme crime contre l’humanité, et pourtant, le film de René Vautier "Afrique 50" qui vient d’être diffusé montre bien le "rôle positif de la colonisation". A l’occasion des guerres de libération des colonies (Indochine, Cameroun, Madagascar, Algérie,…) la France porte une terrible responsabilité qu’elle n’a toujours pas reconnue ni condamnée et je ne prendrai que 3 exemples :
Condamner le massacre d’Oradour sur Glane est logique mais ne rien dire pour les 600 à 800 villages algériens rasés au Napalm ?
Contester l’utilisation du gaz Sarin en Syrie, mais la France ne l’a-t-elle pas utilisé (ainsi que le gaz Vx) en Algérie ?
Et les essais nucléaires au Sahara, avec des conséquences qui perdurent encore dans la population de cette région toujours contaminée ? La France ne devrait-elle pas réaliser des structures de soin, des travaux de décontamination ?
Je voudrais terminer par une réflexion liée aux terribles évènements de janvier dernier. Une formidable machine médiatique a largement surfé sur l’émotion légitime, et le réflexe français profond d’attachement à la liberté d’expression. Mais peu de voix se sont interrogées, ou elles sont restées très minoritaires, pour analyser pourquoi des français pouvaient se radicaliser et aller à de telles ignominies.
Je voudrais rappeler cette expression ancrée dans le langage quotidien : "issu de l’immigration". Parfois on entend parler de la "diversité" pour remplacer cet euphémisme, mais sur le fond, c’est rigoureusement la même chose. Qui est concerné par cette expression ? Manuel Valls ? Nicolas Sarkozy ? Mon gendre dont les parents sont italiens ? Evidemment non !!! Eux sont considérés comme Français à part entière. Ce sont ceux (celles) qui ont des prénoms ne figurant pas sur le calendrier avec une fête de "Saint(e)", un nom "trahissant" des origines d’antécédents d’indigènes des anciennes colonies, ou une peau colorée. Ces français(es)-là ne sont toujours pas des citoyens à part entière, ils restent des sous-citoyens. J’habite Trappes depuis près de 50 ans et donc confronté à cette question. Je ne suis donc pas totalement étonné d’apprendre par la presse que 4 jeunes trappistes sont partis faire le djihad en Syrie En effet combien de fois ai-je entendu des jeunes me dire : "il n’y a que 2 lieux où je suis reconnu, considéré comme les autres jeunes français, c’est le gymnase et la mosquée". Combien de fois avons nous entendu de ces jeunes dire : en grandissant, je suis devenu étranger. Combien ont constaté qu’en envoyant un CV pour rechercher un emploi, ils n’avaient pas de réponse alors que le copain de classe avec le même cursus était convoqué, et s’ils renvoyaient la même demande simplement en "francisant" leur identité, la barrière se levait. Certains qui tentent leur chance dans un pays étranger constatent alors qu’ils sont considérés comme plus français que lorsqu’ils étaient dans leur pays !!! Sans oublier les contrôles au facies systématiques. Des jeunes étaient venus nous dire qu’il n’était pas rare d’avoir été contrôlé 3, 4 fois dans la même journée, parfois même par les mêmes policiers. Comme leurs ancêtres ils sont encore des indènes, des sous-citoyens. Alors comment ne pas penser que ces exclus, discriminés n’aient pas de rancœur, et n’aient pas envie de se rebeller face à une société qui les rejette. Les plus fragiles peuvent alors devenir des proies au prosélytisme qui va leur faire miroiter des paradis jusqu’alors refusés.
Notre "Semaine Anticoloniale" va donc tenter de permettre faire réfléchir sur cette situation postcoloniale qui fonctionne encore avec les mêmes critères de racisme, aggravés par le ministère de l’identité nationale et le débat initiés par le sarkozisme ayant permis de banaliser les paroles et actes racistes, entretenus par un laxisme refusant de combattre sérieusement ce poison. Nous clôturerons cette phase par une manifestation le 28 février à Paris de Barbès à Belleville sur le thème de "Non à la guerre des civilisations, Contre toutes les formes de colonialisme, de racisme, de fascisme". Venez nombreux.