Le comité départemental des Yvelines de l’ARAC, faisant le point après le voyage de François Hollande en Algérie, a décidé d’interpeller le Président de la République, à l’occasion de la tenue de son congrès 2013
51 ans après la fin de la Guerre d’Algérie : la France se doit de reconnaître ses responsabilités.
D’où l’envoi de cette lettre ouverte
Monsieur le Président de la République
La France, par la voix des plus hautes autorités de l’État, se doit de reconnaitre et de condamner les crimes d’état et crimes contre l’humanité commis au nom de notre pays en Algérie, pendant la colonisation et pendant la guerre de libération. L’ARAC attend de votre part, au nom de la France, une prise de position claire, symbolique. Lors de votre voyage en Algérie, en décembre 2012, on pouvait l’espérer, enfin, même si les plus hautes autorités françaises étaient restées silencieuses à l’occasion des cérémonies algériennes de la commémoration du 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Cela aurait pu être l’occasion de gestes très symboliques.
Sur le colonialisme : Vous avez déclaré : "Je reconnais les souffrances infligées par la colonisation". Certes ce n’est plus l’expression de la loi du 23 février 2005 qui voulait imposer aux professeurs d’enseigner que le colonialisme institué par la France, en particulier au Maghreb, comme étant positif. Certes vous avez reconnu que pendant les 132 ans "l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste, brutal". Mais ce système n’a pas été seulement "injuste, brutal..." ce fut un système criminel où les tortures, les enfumades, les répressions sanglantes, les exécutions sommaires étaient des pratiques courantes même avant le déclenchement de la Guerre de Libération, où, là, le paroxysme a été atteint...
Au sujet du 8 Mai 1945 : Il faut se souvenir qu’entre Sétif, Guelma, Khératta...la répression fit des dizaines de milliers de morts dans cette région, un crime d’État fantastique. A ce sujet, vous avez estimé que "la France a manqué à ses valeurs universelles". Déjà en 2005, quelques jours avant le 60ème anniversaire la diplomatie française déclarait qu’il s’était agi "d’une tragédie inexcusable". Les termes que vous avez employés le 20 décembre 2012 restent donc très insuffisants, à la limite du mépris.
Au sujet de Maurice Audin : Certes, au dernier moment, votre programme a été modifié pour que vous puissiez vous rendre place Maurice Audin afin de lui rendre hommage, mais il n’y a pas eu de condamnation de l’institutionnalisation de la torture telle qu’elle avait été pratiquée à cette époque.
A sujet du 17 octobre 1961 : Le 15 octobre 2011, en signant l’appel du Collectif du 17 octobre 1961 demandant la reconnaissance et la condamnation du crime d’état commis 50 ans plus tôt, puis avec votre geste symbolique du 17 octobre 2011, le candidat que vous étiez alors, avec son slogan : "le changement, c’est maintenant" donnait un véritable espoir d’une évolution enfin positive dans les rapports franco-algériens. Hélas, un an plus tard, le 17 octobre 2012, le Président de la République que vous êtes devenu, a renié une partie de ses engagements de l’ex-candidat. Dans votre déclaration, le mot "crime" a été "oublié". Vous y déclariez rendre hommage à la mémoire des victimes, que la République reconnaissait avec lucidité ces faits,… mais qui est responsable de cette sanglante répression ? Avez-vous oublié votre signature du 15 octobre 2011 ?
Sur la Guerre d’Algérie. Vous avez accompli un geste symbolique en déposant une gerbe, le jeudi 20 décembre, au Monument aux Martyrs de la Guerre de Libération. Les crimes contre l’humanité que furent la torture, les viols, les villages rasés au napalm, les conséquences des essais nucléaires dans la région de Régane, des essais des armes chimiques, les centres d’internement pudiquement appelés centres de regroupement, les crevettes Bigeard, les corvées de bois,... n’ont pas été reconnus comme tels ni condamnés.
Même si, sur certains points une très légère avancée a été faite par rapport à votre prédécesseur, il y a comme un goût d’inachevé, de demi-mesures… Et pire, sur certaines positions, avec certains gestes, vous êtes resté dans le droit fil du sarkozime :
L’hommage officiel rendu au Général Bigeard, ce tortionnaire qui a tant de sang algérien sur les mains, le 20 novembre 2012, à Fréjus, est une réelle insulte aux victimes algériennes, à leurs familles. De plus la technique des "Crevettes Bigeard", exportée sur le continent américain par les Aussaresses, Trinquier… est une provocation à la mémoire des "disparus pleurés par les Folles de la Place de Mai", un déni à la notion des droits de l’homme.
La décision de maintenir la stèle du Colonel Château-Jobert à l’intérieur de la caserne de Pau est scandaleuse. La justification donnée par votre conseiller n’est pas acceptable : comment peut-on honorer un officier supérieur qui a tenté de renverser la République lors du putsch d’avril 1961, a déserté, a été condamné à mort par contumace pour ses crimes commis au nom de l’OAS. Quel exemple pour de jeunes recrues !!!
Le courrier du 29 novembre de votre conseiller aux nostalgiques de l’Algérie Française, et pour certains de l’OAS dans lequel on peut lire : "Le Président de la République m’a confié le soin de vous assurer que cette proposition de loi, pour laquelle le Gouvernement s’en est remis à la sagesse du Parlement ne revêt aucun caractère polémique, n’a pas pour effet d’abroger le date du 5 décembre" est, d’une certaine façon, une remise en cause de la loi reconnaissant enfin le 19 mars comme date officielle.
Il serait nécessaire que le mémorial du Quai Branly retrouve sa vocation originelle.
Monsieur le Président, pour toutes ces raisons, l’ARAC qui regroupe tant d’Anciens Combattants de cette Guerre d’Algérie ayant tellement souffert dans cette période, à l’occasion de son congrès départemental, vous demande une expression forte, au nom de notre pays, pour que les pages sombres vécues entre l’Algérie et la France puissent être tournées dignement, permettant ainsi de créer les meilleures bases pour un réel traité d’amitié entre les peuples d’Algérie et de France.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, nos plus respectueuses salutations.
Réponse du Commissare en chef de 1ère classe : Bernard ABBO (30 Avril 2013)
Monsieur le Président
Par lettre du 11 Avril dernier, à la suite du congrès départemental de votre comité, vous avez voulu faire parvenir à Monsieur le Président de la République une lettre ouverte relative aux préoccupations des membres de votre association.
Très attaché au devoir de mémoire et particulièrement sensible à votre démarche, le chef de l’Etat m’a confié le soin de vous répondre.
Comme vous le savez, soucieux de permettre l’émergence d’une mémoire apaisée de cet héritage commun, Monsieur François HOLLANDE a officiellement reconnu, le septembre , la faute et la responsabilité de l France dans l’abandon des rapatriés et des harkis ainsi que le traitement indigne de ceux qui ont été accueillis sur le sol français.
A cette occasion, il avait réaffirmé que la République devait toute la transparence aux descendants de harkis et de rapatriés sur une histoire qui est aussi la nôtre. Il avait alors souhaité que les archives soient ouvertes et accessibles à tous.
Le Président de la République tient également à vous assurer ue la reconnaissance du 19 Mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la Guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ne saurait en aucun cas occulter le souvenir des drames survenus au lendemain du cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.
Elle répond à des questions non posées et ne répond pas à l’essentiel des questions posées !!!
Il est donc clair que le Président de la République n’entend pas reconnaître, au nom de la France, les crimes commis sous sa responsbilité, pendant le colonialisme et pendant la Guerre d’Algérie.
De façon tout aussi scandaleuse, en "reconnaissant le responsabilité de la France" dans les "drames survenus au lendemain du cessez-le-feu du 19 mars 1962" c’est prendre, au nom de la France, la terrible responsabilité prise par l’OAS et les nostalgiques de l’Algérie Française qui voulaient remettre en cause cet accord. Ce 19 mars est pourtant la date fondamentale qui a permis la fin de cette guerre, même si les commandos de l’OAS, par les multiples attentats meurtriers portent une très lourde responsabilité dans les drames qui se sont déroulés dans les mois qui suivirent.
Cette réponse, significative, est donc très lourde de responsabilités. Une honte pour la France qui se voudrait un réel défenseur des droits de l’homme.
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