Après le 19 mars 2013, Elisa Pradel (présidente) et Alain Lopez (secrétaire) du comité Midi-Pyrénées de l’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis (ANPNPA) réagissent après les interventions outrancières de nostalgiques de l’Algérie Française
Une des préoccupations majeures de notre association est la résurgence des thèses d’extrême droite, l’apologie du régime colonial et la nostalgie de l’Algérie française, encensées jusqu’à la réhabilitation et la glorification de l’OAS. Ces tentatives de réécriture de l’histoire de la France en Algérie, attendues lorsque véhiculées par le Front National, sont maintenant menées par la droite classique, simplement UMP, et le furent du plus haut niveau politique par les gouvernements précédents sous la houlette Sarkosy (projet de loi sur les aspects positifs de la colonisation, « musées » de l’Algérie française dont la mise en place est confiée à des associations de pieds noirs d’extrême droite, légions d’honneur distribuées à d’anciens tueurs de l’OAS, stèles à leur honneur ...).
La ligne politique de l’actuel gouvernement est heureusement d’une autre nature. Elle n’est cependant pas dénuée d’ambiguïté et reste loin de l’ouverture nécessaire. Ainsi, alors même que le président Hollande reconnaissait "la sanglante répression" qui coûta la vie à des centaines d’Algériens le 17 octobre 1961 à Paris (et non pas le crime d’État que fut ce massacre), le ministre Le Drian rendait très officiellement hommage au général Bigeard, le sinistre tortionnaire en chef pendant la guerre d’Algérie. Si un pas en avant important a été franchi avec la visite de François Hollande en Algérie et les discours qu’il y prononça sur le "caractère injuste et brutal de la colonisation", de tels propos restent bien trop timides pour qualifier le fait colonial et les crimes qui l’ont accompagné durant plus de 130 ans. Il est aujourd’hui grand temps que le gouvernement actuel s’engage de manière plus forte et plus cohérente. Aller plus loin est indispensable, non seulement pour que nous puissions regarder sereinement et en conscience notre propre histoire ou pour que se débloque la relation franco-algérienne - car oui, il y a un procès à faire de la colonisation - ; mais aussi pour contrer les discours de haine et de revanche qui fleurissent aujourd’hui en France, et pour faire disparaître les relents racistes hérités du passé colonial.
En effet, et plus important encore, cette agitation sur le passé s’accompagne de campagnes racistes et xénophobes inacceptables, qu’il faut dénoncer et combattre. La cible aujourd’hui c’est (de nouveau) « les Arabes », avec comme nouvel angle d’attaque la religion musulmane : l’islamophobie, qui ne vise pas tant l’islam que ceux qui le pratiquent (tout comme l’antisémitisme ne cible pas le judaïsme, mais les juifs, croyants ou pas !). C’est pourquoi se battre contre ces falsificateurs de l’histoire, les "nostalgériques" et leurs alliés politiques, va plus loin que leur simple dénonciation ; c’est se battre pour la paix, la réconciliation, l’amitié entre les peuples.
Tout cela définit les deux axes majeurs de l’activité de l’ANPNPA : porter témoignage et militer pour l’écriture (par les historiens) d’une histoire lucide et dépassionnée de la France en Algérie ; œuvrer à la réconciliation des deux pays, au renforcement de l’amitié entre les peuples des deux rives de la Méditerranée, et en France lutter contre le racisme et la xénophobie. Un aspect particulièrement important pour nous, un besoin, est donc de prendre langue, d’échanger, de travailler ensemble, avec nos frères Algériens ou d’origine algérienne, avec des associations qui les représentent dans nos villes et nos quartiers.
Tribune parue dans l’Humanité du 27 mars 2013
Une démarche de pieds noirs fort différente des nostalgiques de l’OAS