Henri POUILLOT
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Inauguration d’une stèle commémorant les victimes de l’OAS à Paris

Le 6 octobre 2011, au Cimetière du Pére Lachaise à Paris, une stèle commémorant les victimes de l’OAS a té inaugurée par le Maire Bertrand Délanoé

Article mis en ligne le 9 octobre 2011
dernière modification le 23 octobre 2011

par Henri POUILLOT
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Le 6 octobre 2011 Le Maire de Paris inaugurait cette stèle dédiée aux victime de l’OAS

Intervention de Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)

Merci, Mesdames et Messieurs, d’avoir bien voulu répondre, en nombre, à l’invitation de M. Bertrand Delanoë et de Mme Catherine Vieu-Charier. Merci d’avoir fait, parfois depuis loin et malgré la maladie, le déplacement jusqu’en ce haut-lieu du souvenir, pour y témoigner de votre attachement aux principes et valeurs qu’incarnaient celles et ceux que nous honorons aujourd’hui.

Le drapeau de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie, à côté de la stèle, exprime, symboliquement, la chaleureuse présence parmi nous de son président national, M. Wladyslas Marek : il nous a quittés le 24 septembre ; hommage soit ici rendu à sa mémoire.

L’Organisation armée secrète est apparue en début d’année 1961 et a semé la terreur jusqu’en 1962 afin d’empêcher que soit trouvée la seule issue possible au conflit, celle de l’indépendance de l’Algérie.

Fonctionnant à la manière d’un syndicat du crime, l’OAS a été un creuset pour l’extrême droite : s’y sont retrouvés monarchistes, pétainistes, catholiques intégristes, nostalgiques de l’Empire colonial français et autres ennemis de la République. La plupart de ses anciens membres ou sympathisants revendiquent aujourd’hui cette filiation et assument la haine tenace qu’ils vouent au général de Gaulle : le général de Gaulle qui, il y a cinquante ans, le 2 octobre 1961, exhortait l’armée française en Algérie à rester dans le devoir et adjurait les Français d’Algérie "d’apporter leur franc concours à la naissance de l’Algérie nouvelle, celle que souhaite la France, c’est-à-dire telle qu’ils y aient leur digne place".

Dès le milieu des années soixante-dix, exploitant les lois d’amnistie sur les infractions en relation avec la guerre d’Algérie, d’anciens détenus de l’OAS se sont employés à célébrer la gloire de ceux d’entre eux qui avaient été condamnés à mort et exécutés à raison du nombre ou de la gravité de leurs forfaits. Afin de les faire passer à la postérité, des monuments ont été érigés à leur gloire dans le Midi de la France : ils y sont décrits comme des martyrs, des héros, des résistants, forme impudente de réhabilitation et de falsification de l’Histoire.

L’accoutumance à la douleur, la peur, mais aussi l’absence de soutien, n’ont que trop longtemps porté les familles de victimes de l’OAS à la résignation, à la subordination au diktat du révisionnisme, mais sûrement pas à l’oubli.

Chaque jour, en effet, nous nous souvenons des morts causés par l’organisation, des morts dont le nombre serait supérieur à 2.700 selon les estimations d’experts appartenant à la Société française d’histoire de la police :

  • - des victimes tant de crimes ciblés, individuels ou collectifs, que d’attentats aveugles ;
  • - des victimes en Algérie comme en métropole ;
  • - des victimes avant comme après le cessez-le-feu ;
  • - des victimes au sein de l’armée (du général de corps d’armée ou de l’officier – tel le chef d’escadrons Marcel Bourgogne – à l’appelé du contingent), comme au sein des forces de police (du contrôleur général de la sûreté nationale au gardien de CRS) ;
  • - mais outre ces militaires et policiers, dont c’était la mission et l’honneur de protéger les institutions et d’assurer la sécurité et l’ordre publics : -* un attaché au consulat britannique à Alger, Alfred Fox, -* des magistrats, tel Charles Causse, juge d’instruction à Alger, -* des élus (notamment Camille Blanc, maire d’Évian, et Michel Schembri, maire de Fort-de-l’Eau), -* des fonctionnaires : de l’administrateur civil ou directeur des PTT aux enseignants, cibles privilégiées, tels les six inspecteurs des centres sociaux éducatifs massacrés dans l’exercice de leurs fonctions et sur leur lieu de travail à Alger (l’écrivain Mouloud Feraoun, l’humaniste Max Marchand ainsi que Marcel Basset, Robert Eymard, Ali Hammoutène et Salah Ould Aoudia), -* des membres de la société civile (avocats, tel Me Pierre Popie à Alger ; médecins ; chefs d’entreprise et employés, tels David Serfati et Hélène Canavesio à Oran ; …), -* des responsables ou militants politiques ou syndicaux (tels William Levy, secrétaire général de la SFIO à Alger et Alfred Locussol, militant du Parti communiste algérien, assassiné quant à lui à Alençon).
  • - comment ne pas évoquer également ces innombrables victimes anonymes des meurtres en série commis par l’OAS en Algérie à travers ses journées des femmes de ménage, des facteurs, des cheminots, des préparateurs en pharmacie, des dockers, … ?
  • - comment oublier les victimes indirectes de tentatives d’assassinat dirigées contre des personnalités politiques, telle Delphine Renard grièvement blessée le 7 février 1962, à quelques centaines de mètres de la Porte de Saint-Cloud, dans un attentat visant le ministre de la culture André Malraux ? Après cinquante années de silence, Delphine Renard dit ne pas supporter que l’histoire renvoie dos à dos les tueurs de l’OAS et leurs victimes. Elle est parmi nous ce matin, discrète mais solidaire : en votre nom, je lui dis toute mon affectueuse sympathie, ainsi qu’à sa mère qui a bien voulu se joindre à nous.
  • - et comment ne pas penser, alors, aux neuf victimes causées au Métro Charonne, le 8 février 1962, à l’issue d’une manifestation organisée pour la paix en Algérie et contre les crimes de l’OAS ? *

Le Maire et le Conseil de Paris tout entier ont permis la réalisation du projet initié par l’ANPROMEVO, résolument soutenu par des mouvements et associations. Merci à leurs représentants d’être ici :

Association républicaine des anciens combattants (ARAC)
Comité Vérité et Justice pour Charonne
Coup de soleil
Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA)
Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP)
France - Algérie
France - el Djazaïr
Harkis et Droits de l’Homme
Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons
Ligue des droits de l’Homme
Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
Solidarité France Pays Arabes

Le projet a été élaboré en concertation avec Mme Odette Christienne, puis avec
Mme Catherine Vieu-Charier, et en liaison permanente avec le cabinet du Maire de Paris en la personne de M. Philippe Lamy. Présenté au conseil du 20è arrondissement le 27 janvier 2011, puis, le 8 février, en Conseil de Paris, il a dans les deux cas recueilli un assentiment unanime.

La présence de cette stèle dans le voisinage immédiat du monument érigé par la Ville de Paris en mémoire de ses Morts pour la France en AFN et la dédicace dont elle est porteuse sont une incitation à l’apprentissage, par les jeunes générations, de la guerre d’Algérie, à travers la page franco-française du conflit, sans doute la plus douloureuse et la plus sombre.

Nous y voyons également un message républicain à valeur d’exemple que Paris adresse aux communes de France dont l’histoire a été marquée par l’OAS. Son dévoilement, aujourd’hui va résonner non seulement là où l’OAS a directement perpétré ses crimes et attentats, mais là aussi où les victimes de cette organisation sont nées ou ont vécu et exercé leur activité au service de leurs concitoyens.

À nos yeux, son inauguration constitue un acte fondateur de la mémoire plurielle de la guerre d’Algérie.

* *

Oui, le 6 octobre 2011 marquera une étape déterminante vers la reconnaissance par la Nation des souffrances endurées par les victimes de l’OAS.

Rien n’aurait été possible sans l’écoute de la ville capitale dont il convient de saluer, avec respect et gratitude, le Maire et son adjointe en charge de la mémoire ainsi que l’ensemble des élus et des services. Sans doute, aussi, cette stèle ne serait-elle pas née sur ce remarquable emplacement du cimetière du Père Lachaise si un éditeur n’avait pas - le premier et le seul - sorti de l’oubli et de l’ombre les victimes de l’OAS en faisant se rencontrer leurs descendants et, surtout, en leur donnant la parole et la plume : merci, par conséquent, aux Éditions Tirésias et à Michel Reynaud, pour qui le livre est mémoire. Merci enfin à l’artiste, au sculpteur, M. Constantin Spourdos, pour qui la matière est mémoire.

Monsieur le Maire de Paris, c’est un vrai moment de lumière que vous nous donnez à connaître en mettant à l’honneur des hommes et des femmes soumis à la barbarie de ce terrorisme dont l’image hideuse doit nous encourager à repousser toute forme de résurgence.

Jean-François Gavoury et jean-Philippe Ould-Aoudia, 2 orphelins de leur père assassiné par l’OAS pouvaient enfin poser à côté de cette stèle qui rend hommage à ces hommes qui effectuaient leur travail en citoyens républicains.

Forum
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Inauguration d’une stèle commémorant les victimes de l’OAS à Paris
canavesio - le 16 mai 2015

Enfin une reconnaissance officielle des victimes civiles de l’OAS. Je regrette que les noms des victimes ne soient pas inscrites, telles les stèles commémorant les morts pendant les guerres 14/18 et 39/45.
Je vous remercie pour votre site.
Annie Canavesio, fille d’Hélène Canavesio

Inauguration d’une stèle commémorant les victimes de l’OAS à Paris
Henri POUILLOT - le 16 mai 2015

Difficile d’inscrire près de 3.000 noms, avec le risque d’oublis, d’erreurs... Le plus important est la symbolique : à Paris, dans ce cimetière symbolique, près du mur des Fédérés, des autres stèles commémoratives

Inauguration d’une stèle commémorant les victimes de l’OAS à Paris
Michel Dandelot - le 13 octobre 2011

Enfin le retour de mon ami Henri Pouillot, j’en suis vraiment très heureux... quelle journée mémorable ce 6 octobre 2011 pour toutes les familles des victimes de l’OAS, et à titre personnel j’ai eu le plaisir de te rencontrer "en vrai " puisque nous avons été invité par notre ami Jean-François Gavoury.
Reçois toutes mes amitiés.
Michel Dandelot



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