Henri POUILLOT
Guerre d’Algérie, Colonialisme...
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Islamophobie – Racisme anti-musulman : un héritage colonial, pour l’essentiel.
Article mis en ligne le 13 novembre 2019
dernière modification le 21 décembre 2019

par Henri POUILLOT
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Etymologiquement, ces 2 expressions sont différentes :
-  Le racisme anti-musulman, est l’une des formes de racisme qui discrimine, met en cause des individus supposés être musulmans.
-  L’islamophobie c’est la peur de l’islam. Mais, même la définition du Larousse a évolué, en tenant compte de l’usage et elle dit : hostilité envers l’islam, les musulmans.
Depuis de nombreuses années peu à peu, dans le langage courant, un amalgame s’est fait entre ces 2 notions. De profondes racines viennent de la période coloniale et post-coloniale.

Rappelons-nous, les algériens, dans la période de la Guerre de Libération de l’Algérie étaient appelés "Français de souche musulmans" ou "Français musulmans d’Algérie", même ceux qui n’étaient pas pratiquants, voire athées. Puis une expression générique "issus de l’immigration" est venue qualifier la population dont des ancêtres furent des "Indigènes" dans les colonies, à partir du nom, du prénom, de la couleur de peau... des critères concrets de racisme. A l’inverse les populations originaires de l’Europe (Italiens, espagnols, portugais...) victimes de racisme dans la première moitié du 20ème siècle (Portos, Ritals..) sont considérés comme Français à part entière : l’exemple de Manuel Valls ou Nicolas Sarkozy qui eux n’ont jamais été assimilés à des issus de l’immigration. Et, ces "Issus de l’immigration" continuent d’être victimes de discrimination, en permanence (emploi, logement, contrôles au faciès, même entrée dans des discothèques...)

Une anecdote est significative des évolutions : il y a 25 ans environ, lorsque j’étais président du Club de basket de Trappes, un jeune s’était confié en me disant : "j’en ai marre, il n’y a que 2 endroits où je suis respecté, c’est à la mosquée et ici, au gymnase ! Tous les jours, ou presque les flics me contrôlent, souvent les mêmes, qui me connaissent donc, entre chez moi et le collège, et même parfois 2 fois dans la même journée." Ce jour là il l’avait été 3 fois, et la 3ème, c’était entre chez lui et le gymnase : une distance de 150/200metres !!! Alors comment s’étonner que l’islam ne gagne pas en influence auprès de la jeunesse, et si localement un imam est plus rigoriste, le risque d’une radicalisation est latent.

A Trappes nous avons eu aussi une autre expérience. En 2004 (ou 2005), le Pouvoir, pour faire passer dans l’opinion publique la loi sur le voile, a commandité un film diffusé à l’heure de grande écoute (20h30) sur France 2 "Trappes à l’heure de la Prière", juste un jour ou 2 avant le vote. Un véritable scandale parce que ce "pseudo" documentaire a diffusé une série de contre-vérités afin de justifier la nécessité de cette loi. La conséquence fut immédiate, de nombreux musulmans, même peu pratiquants, indignés d’être ainsi stigmatisés, ont réagi, pour afficher leur identité, leur unité...

Dans les banlieues comme Trappes (exemple que je connais le mieux, y habitant depuis 50 ans, mais pas exceptionnel) dans les années 1960/70 la population est passée de moins de 10.000habitants à un peu plus de 30.000, avec, pour l’essentiel, des travailleurs immigrés enrôlés au Maghreb en Afrique subsaharienne recrutés par cars, trains, pour les usines Renault, Peugeot/Simca... les entreprises de collectes d’ordures, le bâtiment... Dans certaines barres d’HLM, il n’y avait que des immigrés, de véritables ghettos, avec rapidement des problèmes sociaux très importants : analphabétisme, retraités n’ayant cotisé que quelques années... Cette situation avec le racisme dont cette population est victime a favorisé les pratiques religieuses, d’entraide... Sans évidemment excuser les violences qui en découlent, mais certaines réactions anti-police dans certaines cités sont des réactions à cette discrimination subie.

Le refus de reconnaissance, les discriminations ont eu un effet de repli communautariste, naturel, de type d’auto-défense, une volonté de crier son identité, pouvant, parfois, être exploitée par le prosélytisme musulman.

MAIS, ce racisme anti-musulman, reste entretenu, même depuis la "décolonisation". De plus en plus c’est l’expression "islamophobie" qui est utilisée pour "justifier" les réactions de racisme, mais cela évite à leurs auteurs une poursuite en justice pour un délit commis, parce qu’il est concevable, et juridiquement légal de critiquer une religion. Dans les faits, ce sont les populations musulmanes, ou supposées musulmanes, qui sont visées pour leur appartenance religieuse. Désormais une jeune femme qui postule un emploi, si elle porte le voile, a 10 fois moins de chance d’être embauchée que si elle se présente tête nue, quel que soit le domaine.

Mon expérience actuelle, en particulier à Versailles, c’est qu’il n’y a jamais de réactions dans la rue, si un prêtre se promène en soutane, col romain, ou une sœur avec la "cornette" et la robe typique, un juif avec la kippa, par contre, si une personne (femme ou homme) arbore une tenue vestimentaire l’identifiant comme étant de religion musulmane, il n’est pas rare d’entendre de vives critiques, des colibets.

Certes des attentats "justifiés" au nom d’un certain islam ont eu une influence importante dans l’opinion publique, d’autant plus qu’elle a été exploitée, au nom de "l’islamophobie", dans une démarche, raciste, sur le fond. Il aurait alors été judicieux de soutenir les musulmans qui, très très majoritairement, ne se reconnaissent pas dans cette démarche, et qui en sont souvent les victimes. Cet amalgame entre musulman / terroriste généré par la droite (pas seulement extrême) et des courants anti-religions, trop souvent relayé par des médias, a favorisé le renforcement de ce courant de racisme.

A la suite du drame au sein de la Préfecture de Police de Paris d’octobre 2019, cette "suggestion" de demander aux collègues de signaler des signes pouvant évoquer une forme de radicalisation, est une véritable démarche de délation qui rappelle de tristes souvenirs des années 1940/45. Des policiers musulmans sont inquiets à la suite de demandes qui viennent de leur être faites de "s’expliquer" sur leurs pratiques religieuses, d’autres fonctionnaires s’interrogent. On voit bien qu’il y a une dérive dangereuse : une expression ostensible de positionnement à l’extrême droite, favorable à la "Manif pour tous", à Cévitas... n’a jamais fait l’objet d’aucune remarque, par contre, une obédience musulmane deviendrait suspecte !!!

Pour l’essentiel ce courant d’expression de dire non à ce racisme anti-musulman, c’est peu à peu concrétisé, et c’est la base de ce mouvement qui a décidé de dire "non à l’islamophobie" avec l’organisation de cette marche du 10 novembre 2019. Pas étonnant alors que les plus "radicaux" aient voulu s’en emparer. Mais la TRES grande majorité des musulmans voulait dire "assez", simplement, et c’est ce qui s’est passé, sans excès. Cela rappelle beaucoup la "Marche pour l’Egalité" de 1983, appelée la "Marche des Beurs". Dans la mesure ou l’appel initial se terminait en conclusion par " Il en va des libertés fondamentales de tous. Il en va de la dignité et de l’intégrité de millions de concitoyens. Il en va de notre unité à tous, contre le racisme sous toutes ses formes qui, aujourd’hui, menace une nouvelle fois la France. ", il était logique que toutes les organisations luttant contre le racisme s’y retrouvent. Certes, l’expression "lois liberticides" et quelques formulations pouvaient être discutables, mais un appel (comme l’ont fait de nombreuses organisations) spécifique, permettait de lever toute ambiguïté.

La démonstration a été faite par cette marche. Même les groupes qui ont scandé "Allah Akhbar" (Allah est grand), sans que personne ne l’interprète comme un appel au terrorisme, ont chanté la Marseillaise et de nombreux affichaient des pancartes "musulmans et Français". Une photo retrouvée sur les réseaux sociaux montre une femme avec un tee-shirt de l’UJFP enlaçant une femme voilée et aucune femme en niqab n’était présente.

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