Henri POUILLOT
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Vénus Noire
Présentation du Film de Abdellatif KECHICHE

Ce film, sorti dans les salles depuis le 27 octobre 2010, est à ne pas rater.

Article mis en ligne le 1er novembre 2010

par Henri POUILLOT
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Après ses réalisations de longs métrages comme "La Faute à Voltaire" ou plus récemment "La Graine et le Mulet", Abdellatif KECHICHE réalise là une œuvre remarquable. Ce film de 2 heures et demie, nous tient en halène jusqu’au bout. Des scènes sont assez dures, pleines d’inhumanité, et en même temps de plein d’humanité. La comédienne Yahima Torres qui y interprète un rôle extrêmement difficile, force l’admiration.

Mais le sujet traité, tellement proche de la réalité historique de cet évènement, n’a soulevé aucune critique sérieuse d’historiens. L e travail de recherche d’Abdellatif KECHICHE a permis de reconstituer cette histoire de Saartjie BAARTMAN avec toute cette complexité, avec un regard de la société du début des années 1800. Cette femme Sud-Africaine, est amenée par un Afrikaner en Angleterre pour l’exhiber dans des spectacles, comme une curiosité exotique, sous le prétexte de réaliser un rêve de ne plus rester une servante, et cela va déclencher de nombreuses réactions. Puis elle sera "revendue" pour être exhibée, en France dans des soirées mondaines, de luxure, dans des maisons closes… D’une certaine façon, c’est la préfiguration des zoos humains qui se développeront un siècle plus tard, en particulier à l’occasion de l’Exposition Coloniale de Paris en 1931. Mais c’est aussi, après la période "faste" de l’esclavagisme, la "justification", avec une caution "scientifique" de supériorité de "races" humaines, qu’il fallait tenter de civiliser, au nom des principes "raisonnés" des Lumières.

Cet aspect mérite une réflexion. En mars 1815, la "Vénus hottentote" attire la curiosité des scientifiques, dont celle du célèbre anatomiste Georges Cuvier. En 1810, l’électricité n’existe pas, la radiographie du corps ou les tests ADN, les analyses de compatibilité de tissus humains encore moins. L’Académie des Sciences, bien représentée dans ce film par le rappel des travaux de CUVIER, considérés alors comme "LA" Vérité absolue conclura, après avoir récupéré la dépouille de Saartjie pour la disséquer et en mouler le corps, que : "Les races à crâne déprimé et comprimé sont condamnées à une éternelle infériorité". C’est donc la base d’une justification scientifique du racisme : il existe des hiérarchies de races humaines. Et puis la mise en œuvre généralisée de la colonisation, après la phase de pillage pur des richesses locales utilisera cette "justification" pour l’implantation dominatrice ayant pour "objectif" annoncé de civiliser les populations "retardées".

Jusqu’en 1976, le moulage de plâtre, le squelette et les bocaux contenant les organes génitaux et le cerveau de Saartjie seront exposés au Musée de l’Homme à Paris. Après la fin de l’apartheid, en 1994, L’Afrique du Sud exige la restitution des restes de Saartjie, mais ce n’est qu’en 2002 que l’Assemblée Nationale votera la loi se heurtant aux autorités scientifiques françaises (au nom du patrimoine du Musée de l’Homme) permettant son inhumation dans sa province natale.

Cette démarche politique n’est pas abandonnée de nos jours par les pays "dominants". Ce sont les logiques de "guerres de civilisation" prônées par les BUSH aux États Unis pour la menée de leur volonté hégémonique sur le monde. Mais c’est aussi le discours de Sarkozy à Dakar en 2007 "L’Afrique n’est pas assez entrée dans l’Histoire". Ce sont les discours officiels de nos gouvernants français qui organisent la xénophobie d’état, le débat sur l’identité nationale, et veulent instaurer un label de "Bon Français", un type de langage qu’on n’avait plus entendu depuis les heures sombres du nazisme.

Ce film qui interpelle tant notre conscience, qu’il mérite donc un soutien sans réserve, car malgré le rappel d’un passé de 2 siècles, il nous incite à la vigilance sur les concepts des rapports humains permettant le vivre ensemble ou la volonté de trouver des justifications de division, de domination. Ce film nous force à voir les conséquences du sentiment de supériorité que certains ressentent face aux femmes, aux étrangers, aux Rroms,… Son message est universel.

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